Points de vue… L’oreille du médecin et le regard du technicien

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S’il existe un sujet (parmi d’autres) où le médecin du travail et le technicien doivent croiser leurs compétences : c’est bien l’audition et l’exposition au bruit des salariés. Le salarié peut se confier à son médecin du travail, dans le cadre du secret médical. Le médecin du travail peut alors lui prodiguer conseils, orientations et soutiens, en pleine connaissance des dispositifs applicables au monde du travail et à son entreprise. L’évaluation de l’exposition aux bruits (chroniques et/ou pulsionnels) est le point de départ d’une politique de maîtrise du risque. Elle repose sur une identification des sources, une observation des tâches et un mesurage des niveaux d’exposition. Merci au docteur Sylvie Gressier, médecin du travail au CEDEST (Dunkerque) et Luigi Grisoni, IPRP référent bruit à l’ASMIS (Amiens) de nous livrer leurs points de vue complémentaires.

Sylvie GRESSIER. Médecin du travail. Santé au travail de Dunkerque (CEDEST).

« L’entourage ne mesure pas les difficultés »

Le docteur Sylvie Gressier a un parcours atypique. Mais avec une constance : travailler pour la prévention des souffrances et des maladies. Après avoir été médecin de prévention au ministère de la justice et en centre hospitalier, elle a notamment exercé des fonctions identiques auprès du Conseil Régional des Pays de la Loire. Depuis deux ans, elle a rejoint les équipes du CEDEST, le service interentreprises de santé au travail du littoral dunkerquois (CEntre pour le DEveloppement de la Santé au Travail). Elle suit aujourd’hui 5 000 salariés, au sein d’entreprises de toutes tailles et d’activités diverses.

« Une baisse de l’audition est source d’incompréhensions mutuelles, que ce soit au travail, à la maison et dans la vie sociale. Que faire quand vous devez choisir entre “ pain, vin ou thym “ , alors que votre interlocuteur vous demande de “ passer le pain “… Cet exemple a le mérite d’être concret. Il est vécu par tous ceux qui ont une légère baisse de l’audition et qui n’osent pas en parler. Ils sont nombreux. Car au début, la personne atteinte d’une baisse de l’audition n’ose pas en parler. D’ailleurs, elle n’ose même pas se le dire à elle-même… A ce stade, elle comprend des bouts de phrase et cherche à reconstituer l’ensemble, par déduction logique ou lecture intuitive sur les lèvres.

_Et l’incompréhension peut générer des situations de conflits. Car les contacts avec les clients, les chefs, les collègues peuvent devenir difficiles et complexes. Je ne parle pas du bruit au travail. Je parle bien de l’insertion professionnelle des malentendants. Quel que soit leur métier.
Il existe des solutions et des dispositifs d’aides qui sont sous-utilisés, parce que méconnus._

C’est pourquoi, je pratique l’audiométrie systématique de dépistage, chez les salariés que je reçois en visite médicale. Attention : ce n’est pas seulement une question d’âge. Il m’arrive de découvrir des déficits auditifs chez des jeunes travailleurs. En cas d’anomalie au dépistage, l’ORL pourra ensuite confirmer ou infirmer les résultats du dépistage et prescrire un appareillage si nécessaire.

Commence alors une véritable collaboration avec le salarié et son entreprise. Car la qualité de vie au travail fait partie du « job ». Mais il faut que le salarié accepte le statut de « RQTH », à savoir Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé. C’est une étape psychologique. Franchir cette étape permet de faire intervenir le SAMETH, Service d’Aide au Maintien dans l’Emploi du Travailleur Handicapé. Un dossier peut alors être monté afin d’obtenir une aide financière pour la prise en charge de la prothèse auditive, sous réserve de pouvoir justifier de l’implication de l’état de santé auditif sur l’activité professionnelle. Cette aide peut être de 1 500 à 2 000 €. Elle rend accessible l’acquisition de la prothèse auditive à des personnes qui ne pourraient la financer, par elles-mêmes… D’autres aides techniques ou financières concernent l’aménagement technique du poste de travail, comme, par exemple, l’adaptation du standard téléphonique.

En tant que médecin du travail, ces exemples montrent comment nous améliorons la santé des salariés et concourons, de ce fait, au développement des entreprises ».



Luigi GRISONI. IPRP1, conseiller en prévention, référent bruit. Santé au travail de la Somme (ASMIS).

« On n’a pas le sentiment d’une exposition nocive… »

Le profil de Luigi Grisoni est emblématique des nouvelles compétences que peut vous apporter votre service de santé au travail. En effet, il est Intervenant en Prévention des Risques Professionnels, référent bruit, au sein de l’Association Santé et Médecine Interentreprises du département de la Somme (ASMIS). Ingénieur de formation, il a rempli des fonctions d’ingénieur sécurité dans le secteur agroalimentaire, puis dans l’industrie, avant de rejoindre les équipes de l’ASMIS. Il intervient aujourd’hui pour les entreprises adhérentes de l’ASMIS, de toute taille et de toute activité, en liaison avec les médecins du travail.

« Pour évaluer un niveau sonore, il ne faut pas se fier à l’oreille humaine ! Celle-ci est plus sensible aux sons aigus et moins performante avec l’âge… Le sonomètre, lui, va objectiver le niveau et la qualité du son : on va parler de décibels, dB(A), pour décrire ce que perçoit l’oreille humaine, qui entend moins les sons graves. Par ailleurs, les bruits pulsionnels sont tout autant nocifs que les autres sons.

Pour évaluer le niveau d’exposition au bruit en milieu de travail, deux techniques sont complémentaires : le sonomètre et la dosimétrie. En plaçant des sonomètres à différents endroits, on établit une cartographie du niveau sonore dans les locaux. En faisant porter un dosimètre par le salarié, au niveau de son oreille, on mesure des moyennes qui correspondent à ce qu’il reçoit dans l’exécution de ses tâches.

En général, plus l’entreprise est petite, moins la législation est connue… Or la connaissance des seuils d’exposition, fixés par la loi, conditionne la politique de prévention face au bruit en milieu de travail.

Par ailleurs, travailler dans le bruit est souvent considéré comme « normal »… Avec des paradoxes : des plaintes sont formulées dans des espaces d’accueil ou de bureaux, alors que les niveaux d’exposition sont inférieurs aux normes. Et des gens travaillent sans se plaindre dans des ateliers, depuis des années, avec des niveaux d’exposition nettement supérieurs aux normes.

La prévention collective est souvent mise de côté en raison des coûts invoqués. C’est compréhensible. Pourtant elle est plus accessible financièrement que ce que l’on pourrait croire. Elle est surtout plus efficace ! On peut retirer du bruit à la source, en assurant une maintenance correcte ou en agissant sur les matériaux ou les matériels. On peut isoler le bruit avec des coffres ou capots. On peut limiter la propagation du bruit avec des baffles. Ou masquer un bruit par propagation d’une onde inverse… Chaque situation a sa solution la mieux adaptée et la moins onéreuse.

Le décret du 20 juillet 2006 fixe les conditions du port des Equipements de Protection Individuelle. Au-delà de 80 dB(A) ou 135 dB©, l’employeur doit mettre à disposition des protections auditives et informer chaque salarié exposé. Le port de ces protections est obligatoire au-dessus de 85 dB(A) ou 137 dB© sur 8 heures de travail. Au-delà de 87 dB(A) ou 140 dB©, sans prendre en compte le niveau d’atténuation des Équipements de Protection Individuelle, le salarié ne peut pas être exposé.

Dans de nombreuses situations, les salariés n’ont pas le sentiment d’une exposition nocive… Pourtant, en s’exposant à une soufflette plus de 28 secondes dans une journée, on a peut-être déjà dépassé le seuil… Evaluer et informer, c’est essentiel !».

1 – Intervenant en Prévention des Risques Professionnels.

(Publié dans le N°30 : Audition et travail: entendre pour mieux s'entendre!) le 18/05/2015

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