Jean-Marc Sylvestre: « La Santé et l’Entreprise sont intimement liés »

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Jean-Marc Sylvestre: « La Santé et l’Entreprise sont intimement liés »

Journaliste économique de premier plan, Jean-Marc Sylvestre est un observateur privilégié de la vie des entreprises. Fort de ses années d’expériences, à l’Université puis dans de nombreux média, il porte un regard avisé sur les évolutions permanentes de notre monde. D’inspiration plutôt libérale, il considère que le dialogue avec
« les contre-pouvoirs » est au cœur de la réussite d’une entreprise. La santé est-elle facteur de compétitivité ? Entreprise & Santé remercie Jean-Marc Sylvestre d’avoir accepté notre interview.

La santé au travail est-elle un facteur de compétitivité ?

Jean-Marc Sylvestre : Avant d’être un facteur de compétitivité pour l’entreprise, la santé est un marqueur de progrès, pour les humains en général. La santé, c’est vivre mieux et plus longtemps. On mesure les progrés de la santé par l’espérance de vie, l’allongement de la durée de vie dans des bonnes conditions, la baisse de la mortalité. La santé se mesure aussi par le niveau de prévention contre les épidémies et les grandes maladies, comme les maladies cardio-vasculaires ou cancéreuses, etc. La santé, c’est également la capacité d’accès aux traitements et aux soins. Alors que la santé soit un facteur de compétitivité, c’est évident ! Mais la santé est aussi une conséquence de la compétitivité, de la croissance. On vit mieux aujourd’hui qu’au siècle dernier parce que la croissance économique a permis de dégager de meilleures conditions de vie. On peut donc dire que la santé et l’entreprise sont intimement liés. Au 19ème siècle, Karl Marx définissait le salaire comme l’argent nécessaire à la reconstitution de la force de travail : le travailleur a besoin de repos, besoin de manger, besoin de se protéger. Depuis la révolution industrielle, les conditions de vie et de travail ont beaucoup évolué, mais il reste que le facteur travail a besoin d’être protégé pour pouvoir remplir sa fonction.

Peut-on identifier un autre progrès ?

Jean-Marc Sylvestre : Les objectifs sont les mêmes, mais les moyens de les atteindre peuvent être différents. On peut considérer aujourd’hui qu’une entreprise moderne a, au-delà de sa fonction économique qui est de produire de la richesse, c’est à dire des produits ou des services, trois objectifs. Un objectif financier : elle doit être rentable pour rémunérer normalement le capital investi et satisfaire ses actionnaires. Un objectif environnemental : protéger son écosystème. Un objectif social : permettre des conditions de vie et des conditions de travail qui soient acceptables et assumées par les salariés. Si un de ses objectifs n’est pas rempli, le management de l’entreprise aura des ennuis. Les actionnaires partiront. Les clients seront mécontents. Les associations de consommateurs se manifesteront si la traçabilité n’est pas correcte, etc. Et les syndicats des salariés revendiqueront très fortement. En bref, l’entreprise ne tient en équilibre que si elle respecte ses contre-pouvoirs. Le fonctionnement des contre-pouvoirs est mieux organisé dans une grande entreprise que dans une petite entreprise ou les rapports personnels compensent souvent l’action des syndicats. Mais globalement le patron d’une PME doit être sensible à la satisfaction de ses banquiers, de ses clients et de ses personnels. Sinon sa compétitivité en souffrira. Dans cette gouvernance, le bien-être au travail, la santé, la prévention des accidents constituent évidemment une composante importante.

Pour vous, cette composante est-elle variable selon le secteur d’activité ?

Jean-Marc Sylvestre : La composante santé est variable selon les activités et les métiers. Il y a des métiers plus dangereux, plus fatiguants, plus stressants que les autres. C’était tout l’objet du compte de pénibilité qui a été mis en place de façon assez complexe, parce que l’évaluation de la pénibilité est très relative. Mais d’une façon générale, c’est à l’entreprise, ou à la branche d’activité, d’évaluer la composante santé dans le fonctionnement de l’entreprise et son organisation. La prise en compte est difficile parce qu’il y a des éléments objectifs et des éléments subjectifs. L’apparition de nouvelles maladies liées au stress notamment a complexifié la tâche.

La loi est-elle une contrainte ou une opportunité ?

Jean-Marc Sylvestre : La loi est d’abord une obligation. Elle devient une contrainte, si elle n’a pas été assez bien préparée et négociée. La loi peut être une opportunité pour faire mieux. L’objectif santé est aussi important pour la bonne marche de l’entreprise que l’objectif économique ou financier. De plus en plus, les marchés financiers, les associations de consommateurs se préoccupent à juste titre des conditions de travail.

Cet objectif santé est souvent objet de débat et de conflit. Pourquoi ?

Jean-Marc Sylvestre : La composante santé est objet de débat parce qu’il y a un problème de financement de la santé au sens large. Les français ont une culture de la gratuité, or la santé coûte cher. Toute la question est de savoir qui paie quoi. La question est d’arbitrer entre l’état (la sécurité sociale), l’entreprise (par les biais des mutuelles) et les individus. Les frais de santé relèvent en général de la solidarité nationale, par la sécurité sociale, mais les risques du travail sont pris en charge par l’entreprise, qui négocie avec des mutuelles ou des assurances privées. Il existe des risques santé dont on ne sait pas s’ils relèvent de la responsabilité de l’entreprise ou de la responsabilité individuelle. Les exemples sont nombreux. L’alcoolisme est lié à la responsabilité individuelle, sauf que certains expliqueront que l’alcoolisme est dû à la pénibilité du travail effectué.
Le cancer du poumon chez un gros fumeur est évidemment lié à son habitude de fumer, mais pourquoi fume-t-il si ça n’est pas pour l’aider à supporter le stress de la vie moderne et de la vie au travail… Qui est responsable ? Idem pour les maladies cardio-vasculaires. Sont-elles imputables au travail ou au style de vie du travailleur. Ces débats sont interminables, ils mettent en jeu l’entreprise, les syndicats et les mutuelles. Le volet traitement a un coût dont il est difficile de savoir, in fine, qui doit le payer. Mais le volet prévention est encore plus délicat à financer. Beaucoup d’entreprises modernes offrent désormais à leurs salariés des stages de désintoxication au tabac, des cours de Yoga ou des séances de gymnastique… Parce qu’elles considèrent que c’est un facteur de bien-être donc de compétitivité pour l’entreprise.

Quel conseil donneriez-vous à une TPE PME ?

Jean-Marc Sylvestre : Les TPE et PME se porteront d’autant mieux que leurs personnels se porteront eux-mêmes bien au travail et bien dans la vie. Pas de conseil, sinon l’écoute et la négociation avec les contre-pouvoirs, mettre en place des protocoles généreux avec les mutuelles complémentaires puisque la loi oblige désormais toutes les entreprises petites ou grandes à négocier des accords avec les mutuelles.

Jean-Marc Sylvestre

Né le 24 octobre 1946 à Alençon, Jean-Marc Sylvestre s’oriente dans une carrière universitaire à l’Université de Caen, après l’obtention d’une licence et d’un doctorat en sciences économiques à l’Université Paris-Dauphine. L’enseignement et la recherche l’animent dès la fin de ses études ! Puis, il s’engage dans le journalisme économique. La pédagogie sera au cœur de son style. Et la volonté d’analyser et d’expliquer l’accompagnera, tout au long de sa vie professionnelle. Réagir et exprimer sa pensée seront son guide : il publie plusieurs ouvrages, accessibles au plus large public.
•1973 : journaliste à L’expansion, Management et La Vie Française ;
•Rédacteur en chef au Nouvel Economiste, puis au Quotidien de Paris ;
•1986-2008 : chroniqueur économique sur France Inter ;
•1986-1993 : chroniqueur économique sur la Cinq ;
•1993 : responsable de l’information économique et sociale sur TF1 ;
•1994 : animateur de « Décideur » sur LCI ;
•1997-2010 : animateur du « Club de l’économie » sur TF1 ;
•2008 : directeur adjoint de l’information sur TF1, en charge de l’information économique et sociale ;
•2008 : élu meilleur journaliste de l’année par l’Université Paris-Dauphine ;
•2010-2013 : éditorialiste, chroniqueur et présentateur des « Clés de l’Eco », sur iTélé (Groupe Canal+) ;
•2013 et suivante : création de « JMS Prod », société de production de documentaire ;
•Depuis 2013 : éditorialiste chez Atlantico.

Jean-Marc Sylvestre a publié plusieurs ouvrages accessibles au grand public. Notamment :
•« Tout va bien (ou presque), la preuve en 18 leçons », avec Olivier Pastré, Fayard, 2013 ;
•« Nouvelles petites leçons d’économies pour ceux qui doutent des promesses qu’on leur fait », à la portée de tous, Flammarion, 2011 ;
•« On nous ment, vérités et légendes sur la crise », avec Olivier Pastré, Fayard, 2011 ;
•« La France piégée », essai, J’ai Lu, 2009 ;
•« La France piégée, comprendre la crise », Buchet Chastel, 2008.

Jean-Marc Sylvestre réalise de nombreuses conférences, notamment au-devant du monde économique et social ainsi que du grand public.

(Publié dans le N°40 : Santé au travail: informer, c'est dialoguer !) le 17/10/2017

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