Prévention de la désinsertion professionnelle

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Mobilisation générale pour monsieur X !

Carrossier âgé de 37 ans, monsieur X est atteint de difficultés motrices au bras gauche. Petit à petit, les difficultés atteignent les jambes… L’utilisation d’outils vibrants d’une part, et la position agenouillée prolongée d’autre part deviennent difficiles. Travaillant dans le département de la Somme, son entreprise est suivie par les équipes de l’ASMIS : Association Santé et Médecine Interentreprises du département de la Somme. Monsieur X consulte régulièrement son médecin du travail, notamment lors des visites de pré-reprise et/ou reprise, pendant ou suite aux arrêts maladie. Son médecin du travail va alors mobiliser et coordonner tout un réseau d’intervenants spécialisés et complémentaires, afin que monsieur X puisse conserver son travail dans la TPE qui l’emploie. Une réussite collective !

125 000 salariés sont suivis par les équipes de l’ASMIS, au sein de 10 425 établissements dans le département de la Somme. Toutes activités confondues : industrie, commerce, artisanat, services, etc. Chaque salarié peut être, un jour, concerné par une action de prévention de la désinsertion professionnelle. Pour être au plus près de ces salariés et de leurs entreprises, l’ASMIS dispose de 47 cabinets médicaux répartis sur 19 sites. Ce dispositif est complété par 3 centres mobiles qui stationnent dans 127 communes du département. Médecins du travail, infirmières de santé au travail, assistantes de services de santé au travail, assistantes sociales, intervenants en prévention des risques professionnels (dont trois chargées de mission maintien dans l’emploi SAMETH 80(1)), documentaliste, experts informatiques, juridiques et administratifs, psychologues composent les équipes de l’ASMIS.

Tous concernés !

Ce qui est arrivé à monsieur X peut arriver à chacun d’entre nous. « Il faut communiquer et échanger », nous explique d’emblée le docteur Marie-Aude Gudin, médecin du travail à l’ASMIS. Et elle complète : « Le jour où il y a une inaptitude médicale à un poste de travail, il faut que le salarié puisse rebondir ! C’est aussi le cœur de notre métier de médecin du travail…». Le docteur Marie-Aude Gudin est référente handicap au sein de l’ASMIS. Elle anime la cellule maintien dans l’emploi, conseille et oriente ses collègues dans les démarches à suivre pour la RQTH2, représente l’ASMIS à la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH), et est membre de la Cellule Locale de Coordination (CLC). « La prévention de la désinsertion professionnelle relève d’un travail en réseau. Ce travail en réseau est emblématique du passage d’un service de médecine du travail à un service de santé au travail ». En effet, le médecin du travail d’aujourd’hui agit au cœur d’un réseau de collaborateurs et partenaires, tant en interne au sein du service de santé au travail, qu’en externe. Citons par exemple : la Caisse d’Assurance Retraite et de Santé au Travail (CARSAT), le service médical de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM), la Maison Départementale des Travailleurs Handicapés, le Service d’Appui au Maintien dans l’Emploi des Travailleurs Handicapés, Cap emploi, etc. « Les pratiques et les logiques sont complémentaires. Nous accompagnons et orientons le salarié et son entreprise auprès de tous les interlocuteurs » précise le docteur Marie-Aude Gudin.

Une spécialité dans la spécialité

Le constat est simple : « Le médecin du travail fixe en toute objectivité une inaptitude médicale au poste de travail. Les motifs de sa décision sont couverts par le secret médical. Cette décision est médicale pour protéger l’altération de la santé du salarié du fait de son poste de travail. Cette décision relève d’une procédure imposant à l’employeur une recherche effective et loyale de reclassement du salarié ». La prononciation d’une inaptitude médicale à un poste de travail relève d’une procédure précise et, au regard des évolutions législatives et règlementaires, le reclassement relève d’une technicité de plus en plus importante. « C’est un travail d’ingénierie sociale et administrative où se joue l’avenir d’un salarié. Donc d’une personne et de son entourage. C’est devenu une spécialité dans la spécialité ». Dès que le médecin du travail pense pour un salarié à une éventuelle inaptitude médicale à son poste de travail, c’est tout un réseau d’intervenants en interne et en externe à l’ASMIS, qui va se mettre en mouvement.

Une procédure : 15 jours pour de lourdes responsabilités…

« En tant que médecin du travail, nous devons réaliser deux visites médicales à 15 jours minimum d’intervalle. Durant ce délai, le salaire n’est pas pris en charge. En cas de danger grave et imminent la procédure tient en une visite médicale. En cas d’arrêt maladie, l’idéal est de faire la visite de pré-reprise. Car il faut anticiper ». La procédure avec un délai de 15 jours existe depuis 1987(3). La visite de pré-reprise est prévue depuis 2011(4), pour un arrêt de travail de plus de 3 mois. La visite de reprise se fait pour un arrêt de travail d’au moins 30 jours. Le nombre de visites de pré-reprise est en croissance. A noter que la décision d’inaptitude peut être prise en une seule visite si une visite de pré-reprise a lieu dans le mois précédant la reprise.

La cellule maintien dans l’emploi

Interne à l’ASMS, cette cellule permet un échange d’informations, avec mise à disposition sur l’intranet. « C’est capital, car les textes et les procédures ainsi que les aides à la recherche de solutions évoluent en permanence ». Cette cellule regroupe des membres volontaires de l’ASMIS, le médecin référent Handicap, les chargées de missions, les assistantes sociales et les ergonomes.

La cellule locale de coordination

Animée par la CARSAT à l’échelon du département, la cellule locale de coordination se réunit tous les mois et demi. Pour la sécurité sociale, elle comprend : un médecin conseil ou un cadre administratif du service médical, des représentants du service social, un représentant du service administratif. « Nous assistons aux réunions. C’est très important » nous dit le docteur Marie-Aude Gudin. « En effet, elle permet de redynamiser certaines situations, en partageant avis et information sur un dossier. Elle ouvre des échanges et des dialogues très précieux pour le salarié en difficulté. Cette cellule permet aussi de mettre en œuvre l’article 100 du code de la sécurité sociale. Cet article ouvre un droit à formation durant l’arrêt maladie. Les salariés l’ignorent ».

Des réussites discrètes… et indéniables !

« Les cas réussis de maintien dans l’emploi ne figurent malheureusement pas encore dans les statistiques… » Ceci est à mettre en perspective de l’évolution du métier de médecin du travail. « Le médecin du travail est devenu chef d’équipe… Après 70 ans d’exercice en solitaire, c’est un nouveau monde ! Il faut avoir sa place. Une nouvelle place. Avoir des retours. Suivre. S’ouvrir au dialogue et à la confiance. Renoncer à l’exercice en solitaire. Apprendre à travailler ensemble. Vivre d’échanges. Harmoniser nos pratiques. ». Nul doute, la médecine du travail est en route vers la santé au travail ! Pour la prévention de la désinsertion professionnelle, « Les trois parties doivent être partantes et prenantes ». Schématiquement, l’employeur doit pouvoir affirmer : on va trouver une solution ! Le salarié doit pouvoir se positionner, voire proposer des solutions. Le médecin du travail est force de propositions. « On peut surmonter la situation. Car, il n’y a pas que des contraintes. Il y a aussi toutes les capacités restantes, les leviers d’actions et les aides ». Anticiper, c’est capital !

1 Service d’Appui au Maintien dans l’Emploi des Travailleurs Handicapés du département de la Somme

2 Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé

3 Décret 86-569 du 14 mars 1986 et décret 87-234 du 3 avril 1987

4 Loi n° 2011-867 du 20 juillet 2011 relative à l’organisation de la médecine du travail.

(Publié dans le N°36 : La santé au travail a 15 ans !) le 10/10/2016

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