Au Québec, aussi…

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Michel Vezina, professeur de Médecine Sociale et Préventive, conseiller médical de l'Institut National de la Santé Publique du Québec

Michel VEZINA est professeur de Médecine Sociale et Préventive, à l’Université Laval au Québec. Il est conseiller médical de l’Institut National de la Santé Publique du Québec et expert international en Santé au Travail. Depuis des années, il traverse ainsi l’Atlantique dans le cadre d’échanges avec la France. Il est membre du collège d’expertise de l’INSEE sur les risques psychosociaux.

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E&S: Nous publions Entreprise et Santé. Vous dîtes « Entreprise en Santé »…

MV: Entreprise en Santé » concerne les entreprises qui développent un milieu de vie favorable à une meilleure santé par l’apprentissage, la concertation, et la promotion d’un environnement favorable à la santé. Une entreprise certifiée doit répondre à des critères appartenant à quatre sphères : les bonnes habitudes de vie, l’environnement de travail facilitateur de santé, la conciliation entre travail et famille, les bonnes pratiques de gestion. L’environnement facilitateur de santé recouvre, par exemple, d’une part, l’absence de risques toxiques et, d’autre part, le fait que la cafétéria offre des aliments sains, ou que le sport est promu dans le cadre du travail. Les critères sur les bonnes habitudes de vie démontrent que l’entreprise concourt, par exemple, à l’acquisition par ses salariés du 0-5-30, c’est à dire 0 cigarette, 5 fruits et légumes, 30 minutes d’activité physique par jour. Des critères définissent les pratiques de gestion, au sens où celles-ci n’entrainent pas de risques pour la santé psychique. »

E&S: Sur quelles bases une entreprise est certifiée « Entreprise en Santé » ?

MV: Pour être certifiée, une entreprise volontaire doit prouver qu’elle répond favorablement aux critères d’au moins deux sphères, l’une sur le plan individuel (ex : habitudes de vie), l’autre sur le plan collectif (ex : pratiques de gestion). « Entreprise en Santé » est un label édité par le Bureau de la Normalisation du Québec. La finalité, c’est que ce label soit utile pour acquérir des clients. De ce fait, de nombreuses entreprises devraient répondre favorablement aux critères.”

E&S: Au Québec, dites-vous l’expression « risques psychosociaux » ?

MV: Oui. Cette notion est apparue dans les années 80. Nous disons « risques » au sens où nous pouvons, et nous devons, agir sur le milieu de vie. Il s’agit d’investir sur la diminution de ce risque, en le réduisant au niveau de sa source dans le milieu de travail. Parler de risques psychosociaux, c’est reconnaitre qu’une maladie telle que la dépression peut être en lien avec une dimension précise de l’organisation du travail. C’est aussi reconnaître que l’on peut travailler en amont, sur des modèles validés, pour améliorer cette organisation”.

E&S: Comment évaluer cette organisation ?

MV: “Au premier rang, figure le degré d’existence, au sein de cette organisation, du soutien social, c’est- à-dire des possibilités d’entraide, des modes collaboratifs, et de l’esprit d’équipe. Des questionnaires validés, et plus ou moins détaillés, permettent de mesurer les dimensions les plus importantes, en intégrant les notions de charge et de complexité du travail réel. Schématiquement, c’est un problème d’équilibre, au niveau psychologique, entre une charge et ses antidotes. Il y a risque s’il y a absence d’antidotes. Je m’explique. L’être humain peut s’acquitter d’une charge importante s’il y a reconnaissance de ses réalisations ; en absence de reconnaissance, il y a déséquilibre, et la charge n’est pas supportée. Il y a ainsi des indices et des échelles de charge. La reconnaissance qui intervient à ce niveau est la reconnaissance sociale, c‘est à dire non monétaire. C’est l’estime et le respect de soi, dont on doit bénéficier au travail. C’est aussi la reconnaissance organisationnelle : sécurité de l’emploi, formation, perspectives de carrière. La reconnaissance non monétaire est aussi importante que la reconnaissance monétaire.

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E&S: Pouvez-vous préciser la notion de soutien social ?

MV: C’est le « faire ensemble ». Dans une équipe, chacun d’entre nous doit pouvoir trouver entraide et collaboration. Une équipe permet de mettre en commun nos forces et nos faiblesses… jusqu’à se créer, par exemple, un réseau d’amis en dehors du travail ! Car une équipe met en oeuvre des principes d’entraide et de collaboration. Ceci permet aussi de développer autonomie et inventivité. On doit toujours pouvoir apprendre. Utiliser ses habiletés et en développer de nouvelles. On doit pouvoir être aidé s’il y a un problème et être reconnu pour son effort, sans disparaître sous un cahier de procédures qui s’épaissit sans cesse au fil des jours et des imprévus.

E&S: Cela n’est pas pareil dans une petite entreprise et une grande entreprise…

MV: Bien sûr. Dans une petite entreprise, c’est plus familier ; on est opérationnel et concret sur le court terme ; on est clair sur les résultats à atteindre, sur lesquels on est en direct… sans regarder au dessus de l’épaule de l’autre pour voir si c’est bien. On reconnaît la production facilement et directement. S’il y a un problème, il est réglé rapidement à la source. Il en va vite de la survie de la petite entreprise… Dans une grande entreprise, c’est différent. Il y a vite un vice de procédure sur le plan de la reconnaissance. Beaucoup de personnes sont mal reconnues parce que personne ne connaît vraiment ce qui se passe. Or pour reconnaître, il faut connaître ! « On peut être damné si on fait, ou si on ne fait pas ». On parle aussi d’autonomie piégée : « tu fais ce que tu veux… mais je t’attends au rendez-vous ». Ou d’injustice organisationnelle : « la reconnaissance sur le visage et non pas les références ». Ceci constitue des milieux à risque psychosocial.

E&S: Quels conseils donnez-vous ?

MV: D’abord, l’entreprise doit être désireuse de faire quelque chose. Ensuite, il faut travailler sur trois dimensions : la reconnaissance, le soutien, l’autonomie. Et privilégier la participation. Enfin, il faut écouter et faire confiance. L’être humain ne cherche pas, naturellement, à tromper son employeur. Il aspire à s’accomplir au travail. Il aspire à un travail bien fait. Il a besoin, tout naturellement, de défi. Mais a aussi besoin de reconnaissance réelle, et non pas feinte, pour se construire une estime de soi

L’entreprise doit être désireuse de faire quelque chose”

(Publié dans le N°11 : Bien au boulot, bien dans ma vie ? ) le 23/12/2010

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