« IL PARAIT SOUHAITABLE QUE TOUTE ENTREPRISE FASSE UN ÉTAT DES LIEUX ET SE QUESTIONNE SUR SES POSSIBILITÉS DE PRÉVENTION »

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Dr Gérard Araszkiewirz, médecin du travail MTA, Co-référent de l'observatoire EVREST pour la Picardie

Le docteur Gérard Araszkiewirz est co-référent de l’observatoire EVREST pour la Picardie. Il est secrétaire adjoint de l’association Picardie Santé Travail, présidée par le docteur Carole PILA, médecin du travail au service de santé au travail de Saint-Quentin (MTA). Cette association mène des travaux communs entre les neuf services de santé au travail de Picardie. C’est donc le regard d’un référent régional qu’Entreprise et Santé vous propose avec cette interview.

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Vous êtes référent d’EVREST pour la Picardie. Pouvez-vous nous dire ce que signifie ce sigle énigmatique et ce qu’apporte EVREST au monde du travail ?

EVREST signifie EVolutions et RElations en Santé au Travail. Il s’agit d’un observatoire pluriannuel par questionnaire, construit par des médecins du travail pour analyser et suivre différents aspects du travail et de la santé des salariés. Il permet de traduire, au moins partiellement, et sous une forme standardisée adaptée à une exploitation quantitative, des informations élaborées au cours des entretiens médicaux.

Il contribue à rendre visibles, au niveau collectif, certaines informations qui restent le plus souvent limitées au cadre du colloque singulier entre le salarié et le médecin. Ce dispositif vise, d’une part à constituer une base nationale pouvant être exploitée aux niveaux national et régional, d’autre part à permettre à chaque médecin (ou à un groupe de médecins qui décideraient de se coordonner) de produire et exploiter l’ensemble de ses données pour enrichir la pratique de prévention et les réflexions sur le travail et la santé au niveau d’une collectivité de travail.

Les résultats descriptifs des données recueillies par les médecins du travail en 2009 et 2010 dans le cadre de l’observatoire EVREST au niveau de la région Picardie ont pu être extraits et analysés. Ce rapport apporte une quantité importante de chiffres, dans lesquels il est possible de puiser des données à même d’éclairer différentes problématiques : risques physiques, risques psychosociaux, pénibilités, vécus du travail…

Cette vision de la santé des salariés à travers des indicateurs qui peuvent être suivis sur des années, vous apporte-t-elle un éclairage particulier sur la pénibilité au travail ?

Oui, car bien qu’ayant été conçu il y a déjà quelques années, on note que le questionnaire EVREST recueille de très nombreux facteurs de pénibilité, qu’il est ainsi possible de suivre. Il relève à la fois la quasi-totalité des facteurs décrits dans le décret du 30 mars 2011 (permettant le départ anticipé à la retraite), mais aussi d’autres facteurs non moins importants : facteurs temporels, organisationnels, vécus du travail.

Existe-t-il des entreprises ou des secteurs d’activité plus concernés que d’autres par la pénibilité au travail ?

Cela dépend de quelles pénibilités l’on parle. Dans notre dernière analyse d’EVREST en Picardie, portant sur la période 2009-2010 (à paraître dans l’Atlas Santé Travail Picardie 2011), on note par exemple pour certains secteurs un cumul important de facteurs de pénibilité : en moyenne 3,7 facteurs dans la construction, 3,5 dans l’industrie (poussières, fumées, bruit, vibrations, manutentions). Dans le commerce et les services, dominent les gestes répétitifs, les rythmes irréguliers ou alternés, les efforts ou les manutentions.

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Avez-vous une définition générale de la pénibilité à nous proposer ?

La pénibilité peut, je pense, être définie comme une atteinte au bien-être physique, psychique ou moral du salarié confronté, dans le cadre professionnel, à certaines contraintes : les « facteurs de pénibilité ». Elle est indissociable de la santé au travail et dépend en grande partie des conditions dans lesquelles le salarié effectue ses tâches. Toutefois, c’est une notion complexe car elle dépend de chaque individu. Soumis aux mêmes conditions, deux personnes ne réagiront pas identiquement.

Son évaluation est délicate, car, souvent, la pénibilité n’est pas mesurable directement. Mesurables ou non, ses conséquences peuvent être immédiates, avec le déclenchement d’une maladie en lien avec la profession ou à la suite d’un accident du travail. Elles peuvent également être différées, avec la manifestation d’une pathologie plusieurs années après avoir exercé une profession.

Pour vous, à quelle époque a-t-on commencé à parler de pénibilité au travail ?

On peut penser que la pénibilité est aussi ancienne que le travail. L’étymologie du mot travail vient d’ailleurs du latin « tripalium », engin de torture, impliquant dans la notion de travail celle de pénibilité.

La pénibilité n’est-elle que physique ?

La pénibilité, pour le médecin du travail, peut traduire tout autant une pénibilité physique ou chimique (pénibilité objective) qu’une pénibilité psychique ou morale (pénibilité vécue). Il existe d’ailleurs des relations entre les deux. Des pénibilités physiques ou chimiques peuvent être vécues douloureusement sur le plan psychologique : altération de la qualité de vie (troubles du sommeil, fatigue, douleurs), peurs, craintes pour la santé. La pénibilité a donc plusieurs dimensions qui interagissent : physique, psychique, voire psychosociale.

N’y a-t-il pas donc une part de subjectivité, dans tout vécu de pénibilité ?

Bien entendu, et c’est toute la difficulté pour l’évaluer : les facteurs de pénibilité ne valent que par la gêne et les troubles apportés, dont la perception est subjective et individuelle. Les liens sont donc difficiles à établir en dehors de certaines maladies professionnelles. C’est la raison pour laquelle les discussions en vue d’accords sur la prévention de la pénibilité n’ont pu aboutir.

Ces dernières années, le concept de pénibilité au travail a-t-il fait l’objet de recherches scientifiques dans le domaine de la santé au travail ?

Certains travaux pénibles sont susceptibles d’entra ner des effets à long terme, irréversibles sur la santé : expositions à des cancérogènes, travaux de manutentions, bruit, vibrations. Les conséquences sur la santé sont mesurables. Ces situations de travail ont fait et font toujours l’objet de travaux scientifiques. Leurs résultats s’expriment en terme de morbidité, de mortalité ou d’espérance de vie sans incapacité. La prévention de ces facteurs de pénibilité à traduction objective appara t comme une priorité. Pour autant, les facteurs plus subjectifs ne sont pas délaissés et font aussi l’objet d’études qui permettent de pointer des liens. L’observatoire EVREST permet, entre autres de faire de telles études.

L’arrivée du concept de pénibilité au travail dans les textes légaux et réglementaires récents vous a-elle surprise ?

Ce serait plutôt l’inverse. En tant que médecin du travail, nous recevons au jour le jour les commentaires des salariés sur leurs conditions de travail et les pénibilités ressenties. Nous assistons depuis un certain nombre d’années à une expression croissante sur ce sujet, tout particulièrement dans le domaine des Risques PsychoSociaux (RPS). Dès lors, le traitement de ce thème par la réglementation apparaît comme logique.

La loi insiste sur la prévention de la pénibilité au travail. Est ce possible dans toutes les entreprises ?

Si les plans de prévention formalisés ne s’imposent qu’aux entreprises de plus de 50 salariés, il paraît souhaitable que toute entreprise quelle que soit sa taille fasse un état des lieux et se questionne sur ses possibilités de prévention.

Quels conseils donneriez vous pour aborder la question de la pénibilité au sein d’une entreprise ?

Il est indispensable de privilégier l’écoute et le dialogue social au sein de l’entreprise, qui sont à même de révéler précocement les difficultés et dégager des pistes de prévention. Il est possible pour les entreprises de s’appuyer sur leurs services de santé au travail, qui ont une place privilégiée dans le recueil des informations, à la fois lors des entretiens individuels, et au travers de l’observatoire EVREST.

(Publié dans le N°16 : Nouvelles obligations dès 2012) le 09/11/2011

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