Laurent HUGLO Ingénieur Conseil Régional Adjoint, CARSAT Nord-Picardie

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En France, les accidents du travail font l’objet d’une assurance obligatoire. Pour une entreprise privée, c’est le régime général de la Sécurité Sociale qui gère cette assurance « Accident du Travail- Maladie Professionnelle ». Chaque entreprise paie une cotisation spécifique « AT-MP », dont le taux est notifié par la CARSAT (Caisse d’Assurance Retraite et de Santé au Travail). La CARSAT a aussi une mission de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles auprès de ces entreprises du secteur privé, quelles que soient leur taille ou leur activité.

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E&S : Quel est votre rôle au sein de la CARSAT Nord-Picardie ?

LH : Il est opérationnel. J’ai sous ma responsabilité le management de 45 ingénieurs et contrôleurs intervenant en entreprise pour aider à améliorer la prévention des risques professionnels. Je porte un soin particulier à la collaboration avec les autres « préventeurs », aux premiers rangs desquels figurent les médecins du travail et leurs équipes de santé au travail. Méconnue mais active une cellule d’action transversale réalise une véritable ingénierie de prévention, avec, par exemple, la création d’outil d’appui et de support d’intervention. Enfin, s’ajoute à l’organigramme un service incitations financières, qui instruit les dossiers de majoration-minoration de taux de cotisation, ainsi que les Contrats de Prévention et Aides Financières Simplifiées.

E&S : Comment définir le Risque Routier Professionnel ?

LH : C’est une notion très large. Sur le plan assuranciel, au niveau du régime général, on prend en charge les conséquences humaines liées aux accidents de mission et aux accidents de trajet , essentiellement les soins médicaux et chirurgicaux, les arrêts de travail, l’ incapacité le cas échéant. L’accident de trajet concerne l’accident survenu entre le domicile habituel et le lieu de travail. Le coût de cette sinistralité est mutualisé entre toutes les entreprises quel que soit leur domaine d’activité. L’accident de mission concerne les déplacements liés à l’activité de travail, selon la définition légale de l’accident de travail. Son coût est directement ou indirectement intégré dans le taux de cotisation spécifique de l’entreprise. Autre notion : l’indemnisation porte sur un tiers responsable mais aussi sur leurs victimes qui peuvent être elles-mêmes en trajet ou en mission. Dans 30 % des accidents de trajet ou de missions, nous indemnisons des victimes d’accident causé par un tiers.

E&S : Et sur le plan pratique ?

LH : Gardons nous de réduire le risque aux « engins motorisés ». Nous couvrons les risques liés à toute modalités de déplacement : piéton, cycle, cycle motorisé, véhicule personnel, véhicule utilitaire léger, poids lourds, transport en commun, train, etc. En parallèle, quasiment tous les métiers impliquent des déplacements. Enfin, la prévention des risques routiers professionnels se traite en synergie avec les enjeux de sécurité routière relevant des politiques publiques. La prévention des risques routiers professionnels va au delà du périmètre de l’entreprise et est un des leviers pour une politique globale des déplacements et de sécurité routière.

E&S :Que disent les statistiques ?

LH : Quelques chiffres suffi sent pour comprendre les enjeux. (Voir encadré). Les chiffres et tendances sont influencés par de nombreux paramètres. Les modalités de déplacement influent favorablement ou défavorablement sur la gravité de la sinistralité. Les politiques de développement durable font évoluer les modalités de déplacement : covoiturage, transport en commun, vélo… Au niveau de la gravité d’un sinistre, certaines modalités sont plus sûres, d’autres sont moins sûres. La voiture aura un rôle de « bouclier » : il y aura des dégâts matériels en cas d’accident, avant en général de relever des lésions corporelles. Il n’en est pas de même avec le vélo : c’est hélas l’inverse. Toute forme de transports en commun est plus sécurisante, le vélo, moins. Tous les deux concourent pourtant à une politique raisonnée des déplacements. Les pratiques sont aussi très importantes : le développement de l’éco-conduite s’accompagne d’un comportement plus calme au volant avec anticipation des réactions face aux aléas.

E&S : Peut-on parler de facteurs de gravité ?

LH : Oui, bien sûr. Au niveau du conducteur, du véhicule et des conditions de circulation. L’âge influe sur les statistiques de gravité : les jeunes conducteurs et les séniors tendent à avoir des accidents plus graves comme victimes ou auteurs. D’autres facteurs sont plus difficiles à cerner comme l’incidence de la précarisation des contrats de travail en lien avec une population fragilisée vis-à-vis du risque routier professionnel : allongement des temps de parcours, utilisation de moyens moins protégés…etc.

E&S : Pour les accidents de mission, quelles sont les activités les plus concernées ?

LH : Il y a les « secteurs classiques » qui correspondent à des réalités bien spécifiques : livreurs de pizza et motocycle, messagerie ou transports express et véhicules utilitaires légers, transports de salariés, transports routiers de marchandise ou de matière dangereuse, etc. Pour ces secteurs, trois axes de travail de base sont intégrés : compétences du conducteur, sûreté et entretien du véhicule, organisation des déplacements. Des secteurs sont en émergence, au sein desquels apparaît par exemple, la restauration collective qui, avec la mise en oeuvre croissante de cuisine centralisée, génère des déplacements sous contrainte de temps pour livrer les repas. Le maintien à domicile des personnes âgées et le développement de l’aide à domicile entraînent pour les salariés rattachés à ces activités, l’usage de véhicules pour des déplacements sous contrainte de temps, souvent en circulation urbaine dense, quelle que soit la météo…

E&S : On parle plutôt de politique de déplacements, à présent… ?

LH : Tout à fait. Et plusieurs facteurs interviennent. La distance entre le domicile et le lieu de travail augmente : environ un kilomètre supplémentaire en moyenne chaque année. Les trajets sont globalement plus longs avec la fatigue générée dans des conditions de circulation de plus en plus difficiles. Au niveau d’une entreprise, raisonner politique de déplacements pour les trajets « domicile-travail », c’est par exemple prendre en compte l’offre de transport collectif et de transport alternatif au véhicule personnel, inciter aux covoiturages, adapter les horaires et les rythmes de travail …Tout converge vers une approche globale et citoyenne qui va dans l’intérêt du salarié, de son entreprise et des conditions de circulation. En exemple, cela s’illustre par l’incompatibilité d’horaires de travail de type 5 heures-13 heures avec l’offre de transport collectif…

E&S : Existe-t-il des spécificités régionales ?

LH : Quatre paramètres concernent notre région. La densité de population s’accompagne d’une densité de déplacements sur un réseau routier et autoroutier dense. La région est comme beaucoup d’autres … au centre de l’Europe, c’est une zone de passage de poids lourds. Enfin l’état sanitaire des populations de certains territoires se retrouve dans la sinistralité face au risque routier. L’incidence de cet état sur les addictions est un élément admis aujourd’hui.

E&S : Que peut faire une entreprise ?

LH : Beaucoup de choses et plus qu’elle ne l’imagine. A commencer par des actions à sa portée, simples et peu coûteuses, par exemple réaliser une cartographie du trajet de ces salariés. Afin d’ouvrir à tout ce qui est possible, au niveau de la CARSAT, nous allons développer dans les prochaines semaines, une politique de contractualisation sur le champ du risque routier professionnel. Elle sera proposée à toute entreprise, sur la base d’environ 40 domaines. L’entreprise détermine ce qu’elle veut faire et dans quelle ampleur dans son périmètre d’activité : nommer un référent risque routier, veiller à l’aptitude à la conduite, lutter contre certaines addictions, développer l’écoconduite, analyse des déplacements, stage pour révision du code de la route, charte du téléphone portable jusqu’à l’action concrête de salage de ces voies privées extérieures, … Comme vous le voyez, cela couvre un ensemble de dispositions très diversifiées… Le plus loin est encore possible : sans verser dans une délation malsaine, comportement en responsabilité d’un auteur d’infraction relevée par dispositif automatique communiquant spontanément son identité aux forces de l’ordre. Chacun doit pouvoir prendre ses responsabilités. L’usage dévoyée de téléphone mobile est pratique courante malgré les interdits du code de la route sans une politique claire, affirmée et surtout partagée de la part de l’entreprise et de tous ces salariés. S’agissant du comportement au volant, le salarié doit tout autant s’impliquer vis-à-vis de son entreprise. Les actions de prévention à développer doivent se faire en partenariat avec les spécialistes concernés selon les items retenus :autoécole, Prévention Routière, service de santé au travail, etc. Dans la logique de cette contractualisation, la ristourne de cotisation « trajet » et « travail » pourrait s’envisager naturellement en fonction de la réalité des résultats obtenus. De même un label pourrait être affi ché au dos des véhicules des entreprises adhérentes à cette contractualisation pour affirmer l’image responsable de l’entreprise sur ce sujet de sécurité collective.

E&S : Que diriez-vous en conclusion ?

LH : L’entreprise est déjà fortement chargée de problématique sociale mais elle peut être « un carrefour de prévention des risques liés aux déplacements ». Toutes les actions sont importantes. Même les plus modestes. L’important reste l’endurance, et la pérennité sur ce sujet. Car nos mauvaises habitudes reviennent vite. La prévention du risque routier professionnel relève d’un effort permanent. Mais elle concourt à une « culture de sécurité » qui impacte autant la vie professionnelle sur tous ces risques que la vie personnelle.

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(Publié dans le N°21 : Partir, c'est bien... arriver, c'est mieux !) le 26/02/2013

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