Santé au Travail, les changements Quand la médecine devient santé

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La Médecine du Travail est devenue la Santé au Travail depuis 2002. Un petit mot pour un grand changement… Explications du Pr Paul Frimat.

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Entreprise & Santé : Pr. Frimat, depuis 2004 on parle de Santé au Travail, qu’est-ce que cela veut dire exactement ?

Pr Paul Frimat :Nous sommes en effet passés de la Médecine du Travail à la Santé au Travail et ce n’est pas anecdotique. Cette nouvelle appellation reprend en fait les fondements de notre discipline inscrits dans la loi de 1946.

E & S : Et quels sont les fondements de la loi de 1946 ?

P.F : La loi dit que le rôle du médecin du travail est d’éviter l’altération de la santé des salariés en lien avec son travail. Cela veut dire agir sur les pathologies (prévention tertiaire), réaliser des dépistages (prévention secondaire) et mettre en place des actions en amont afin d’éviter les nuisances (prévention primaire).

E & S : Pour vous, la Médecine du Travail s’était éloignée de ces fondements ?

P.F : Oui, dans les années 60/70, la Médecine du Travail est devenue une « médecine tampon », une « médecine d’aptitude ». On a, en fait, réduit le rôle du médecin du travail dans son approche médicale à vérifier l’aptitude ou l’inaptitude des salariés. Ce « glissement de rôle » a duré jusqu’en 2002 avec la loi de modernisation sociale qui transforme la Médecine du Travail en Santé au Travail, qui met en place le concept de pluridisciplinarité et qui base les missions du médecin du travail à partir de l’évaluation des risques.

E & S : Et quels sont aujourd’hui les fondements de la Santé au Travail ?

P.F : La directive européenne de 1989 demande à l’entreprise l’établissement de son diagnostic santé sécurité, par le biais du fameux document unique. Le médecin du travail doit, quant à lui, établir une fiche d’entreprise. Les deux documents peuvent être croisés et le médecin propose alors à l’entreprise un plan d’action et de prévention. Charge à l’entreprise de le mettre en place. Charge au médecin de l’y aider. Encore faut-il que les dispositions réglementaires sur l’aptitude évoluent.

E & S : En fait, la démarche de prévention « redevient » prioritaire, quelle sera la place du médecin ?

Le médecin du travail devient le pivot d’une équipe de Santé au Travail au service de l’entreprise. Il n’est plus le seul acteur mais est le coordinateur de plusieurs disciplines utiles à la santé mentale et physique des salariés. Le suivi de la Santé au Travail devient de plus en plus important, de nouveaux risques apparaissent comme les troubles psycho-sociaux. Et la Santé au Travail doit pouvoir y faire face. Dans 10 à 15 ans, 20 % des médecins du travail partis à la retraite n’auront pas trouvé de remplaçants. Cela représente près de 1 600 médecins. Il est plus que temps d’en prendre conscience et d’agir en conséquence. La mise en place de nouveaux métiers (Infirmière Santé-Travail, Secrétaires Assistantes en Santé-Travail, IPRP…) doit permettre une meilleure réponse aux besoins de santé des entreprises et de leurs salariés.

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Pr Paul Frimat
Chef de service Médecine du Travail et Pathologies Professionnelles, CHRU de Lille

(Publié dans le N°1 : Santé au Travail, les changements) le 05/01/2008

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