Point de vue de Laurence Samain

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L’ergonomie, c’est «capter» la réalité du travail et le vécu du salarié

Laurence Samain est technicienne en ergonomie au Service de Santé au Travail de l’Aisne (MTA). Sur demande du médecin du travail, dans le cadre du Pôle Prévention de MTA, elle intervient au sein de petites et moyennes entreprises. Poste de fabrication, poste de conditionnement… Secteur industriel, secteur agroalimentaire… Cartonnerie, garage… Autant de situations de travail sur lesquelles elle est récemment intervenue. Après 15 ans de pratique au service des entreprises, elle reprend les études pour acquérir le « master 2 : Facteur Humain et Système de Travail » dirigé par le Professeur Gérard Valléry de l’Université de Picardie Jules Verne, à Amiens. Elle soutiendra son mémoire en Septembre prochain. C’est pour bientôt !

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A propos d’ergonomie…

• Définition

« De manière imagée, je dirai que l’ergonomie, c’est « capter » la réalité du travail et le vécu du salarié, c’est-à-dire comment la personne réalise son travail en fonction de ses ressources (ses compétences, son expérience, sa santé…) et les moyens mis à disposition pour le réaliser. L’ergonome se concentre alors sur l’activité réelle du salarié au travail, pour comprendre comment et pourquoi une situation prévue est transformée dans la réalité du quotidien. C’est ce que l’on appelle l’ergonomie de correction. Il existe également une ergonomie qui intervient en amont dans la conception même d’une situation de travail. On parle alors d’ergonomie de conception ».

• Service Interentreprise de Santé au Travail

« L’ergonome a sa place dans l’équipe pluridisciplinaire. Avec cette équipe, l’entreprise a accès à une prestation globale : ingénieur de prévention, ergonome, chimiste, hygiéniste industriel, psychologue du travail… Ce décloisonnement est très intéressant. C’est ce que nous faisons à MTA comme d’autres Services Interentreprises de Santé au Travail».

TPE et PME

« Nous travaillons pour les TPE et PME, et nous y intervenons, en leur apportant les compétences de l’équipe pluridisciplinaire. Nous travaillons également par branche professionnelle. Par exemple, nous avons réalisé récemment un travail sur les garages ».

L’ergonome et la sécurité des machines

• Être dans la réalité !

« Lors d’interventions en ergonomie, il faut comprendre la différence entre le travail prescrit et le travail réel. Pour le travail prescrit, nous avons les instructions et les fiches d’exécution du travail…. Le but est défini et les éléments de sécurité sont explicites. Grâce à une méthodologie propre à l’ergonome : réalisation d’entretiens au poste de travail, l’opérateur verbalise comment il fait pour atteindre l’objectif prescrit par l’entreprise. Qu’est-ce qu’il connaît ? Comment la machine est utilisée ? Comment tout cela est compris ? Nous observons comment l’opérateur fait pour exécuter le travail prescrit… L’analyse de cette activité est très importante. Le but est de comprendre l’objectif de l’opérateur dans le contexte particulier de sa situation de travail : c’est le travail réel ».

• Comprendre l’écart…

« Certes, le concepteur d’une machine a réfléchi sur la fiabilité et la sécurité. Pour une ou plusieurs raisons que l’ergonome va tenter de comprendre, l’opérateur peut s’écarter des instructions et des procédures prescrites de la machine. L’opérateur a un objectif de production qu’il veut atteindre et peut emprunter « d’autres chemins » que ceux qui ont été imaginés par le concepteur. Par exemple : Si l’opérateur intervient sur une machine en fonctionnement ou s’il retire le carter de la machine (des exemples qui peuvent entraîner des risques pour sa santé ou sa sécurité !), il existe certainement des raisons qu’il faut tenter de comprendre (augmenter la qualité ? augmenter ou maintenir la production ? diminuer les rebus ?…) pour éviter et prévenir tous risques. Pour comprendre cet écart, l’ergonome interroge les éléments déterminants du travail : l’organisation du travail (rythme de travail, cadence, conception des postes, dysfonctionnement…), les outils de travail (complexité…), l’environnement de travail (l’aménagement des espaces de travail, les ambiances physiques…), la coopération et l’entraide entre collègues, en plaçant au cœur de cette activité, l’opérateur (expérience, compétence, santé…) ».

• L’opérateur…

« À partir des entretiens avec les opérateurs,
on peut essayer d’appréhender la représentation fonctionnelle, c’est-à-dire la manière dont mentalement le salarié se représente la sécurité de la machine. L’expression du salarié est une mine d’information. Il est important de connaître comment le salarié a construit « dans sa tête » sa machine. Il faut alors comparer les différences de représentations entre le concepteur et l’utilisateur. C’est-à-dire la différence entre un raisonnement « logicomathématique » d’un concepteur et la réalité du fonctionnement et de l’usage pour l’opérateur ». S’interroger sur les compétences, l’expérience, la représentation de l’opérateur peut également expliquer une prise de risque pour réaliser les objectifs prescrits par l’entreprise (manque de compétence ? manque de formation ?). L’ergonome peut faire ressortir ces éléments et interroger l’entreprise sur comment elle facilite l’accès, le maintien et l’évolution des compétences des salariés ».

S’il y avait quelques conseils…

• Petits aménagements et grandes améliorations

« L’ergonome pense au bien-être du salarié en lien avec la performance de son entreprise. L’ergonomie a pour objectif de transformer le travail. Dans la majorité des cas, de petits aménagements techniques et organisationnels, qui ne comportent pas de gros investissements, apportent de grandes améliorations. Cela s’inscrit dans la dynamique de l’entreprise ».

• Connaître pour améliorer

« Le rôle de l’ergonome est de créer une dynamique entre ceux qui ont le pouvoir de mettre en œuvre les moyens de transformer le travail «la direction » et ceux qui ont la connaissance de la réalité c’est-à-dire « les opérateurs ». La mise en débat du diagnostic et des préconisations de l’ergonome permet d’aboutir à des transformations acceptables pour tous ».

(Publié dans le N°19 : Machine, mon amie) le 18/07/2012

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