La polyvalence au cœur des téléopérateurs

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Centre d’appels téléphoniques externalisés

Quand vous passez un appel pour un rendez-vous ou un service après-vente, vous arrivez peut-être sur une plate-forme téléphonique qui sollicite immédiatement un téléopérateur. Celui-ci s’adapte alors instantanément à votre demande… Les téléopérateurs de deux centres d’appels téléphoniques externalisés, adhérents à l’ASMIS (Association Santé et Médecine Interentreprises du département de la Somme), ont apporté leur concours à une recherche-action en ergonomie. Celle-ci a fait l’objet d’une thèse de doctorat (voir encadré). Ces centres d’appels ont pour particularité d’être des centres de relations clients prestataires, qui prennent en charge tout ou partiellement la gestion de la relation des clients d’entreprises. Ils travaillent donc, sous de fortes contraintes économiques, pour des donneurs d’ordre très différents. Les téléopérateurs sont polyvalents. Cette polyvalence relève d’un triple enjeu : satisfaction du client qui appelle, satisfaction du donneur d’ordre, satisfaction du téléopérateur. Il en va de la pérennité du centre d’appels…

L’étude des impacts de l’organisation de travail est au coeur de cette démarche ergonomique. Un comité de pilotage a été créé pour en assurer le suivi général (voir encadré). Les objectifs et la méthodologie ont été présentés en CHSCT (Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail) avant la mise en oeuvre de l’étude. Quatre questionnements majeurs constituent autant d’objectifs de recherche :
• Quelle activité réelle de travail des téléopérateurs ?
• Quelle analyse possible de la polyvalence ?
• Quelles stratégies d’adaptation sont développées, dans un cadre contraint sur le plan technique et organisationnel ?
• Quel impact de la polyvalence en termes de santé pour les téléopérateurs (contraintes et apports) ?

Une méthodologie rigoureuse

L’étude a été conduite sur quatre phases successives :
approche exploratoire, prédiagnostic, analyse de l’activité, diagnostic. Dans chaque entreprise, ont eu lieu des entretiens, des observations ouvertes, des prises de note, des temps de verbalisation, des double-écoutes et des analyses d’enregistrements. L’ensemble conduit donc à une analyse du fonctionnement général (organisation, outils, qualité du travail et indicateurs, missions, recrutement et parcours du téléopérateur) et de l’activité réelle de travail des téléopérateurs .

6 points majeurs d’attention pour les entreprises

La relation de service

Elle est complexe : le cycle d’activité comprend des missions très variées, en réponse à de multiples attentes (employeur, client donneur d’ordre, client final). Sa qualité est quantifiée au travers des indicateurs et des normes.

L’organisation

L’imprévisibilité des flux est « relative » ; les ressources sont mobilisables dans l’urgence ; les modifications de procédures de travail peuvent mettre en difficulté les salariés et l’entreprise. L’organisation doit donc être anticipatrice, réactive et vigilante.

La polyvalence

Elle est une solution contre la monotonie et la répétitivité. Il faut bien en repérer les limites : stress, temps d’adaptation aux missions, risques d’erreurs, appréhension au démarrage de mission, saturations… Elle relève d’une « escalade de compétences » et de prises de décision à différents niveaux :
• Contrat avec l’entreprise prestataire
• Recrutement et mobilisation de personnel (managers et téléopérateurs)
• Management des équipes en production.
Au niveau des téléopérateurs, la polyvalence appelle l’acquisition de compétences techniques particulièrement reconnues par les clients finaux ; entre curiosité et prise de risque, l’apprentissage est permanent. Préserver la proximité entre le manager et les téléopérateurs est essentiel. Or l’augmentation d’exigences des donneurs d’ordre accroît la charge de travail administrative pour les superviseurs.

Les outils

Ils doivent être analysés au regard de leur caractère facilitateur. Le terme « outil » est pris au sens large : configuration des plateaux, supports informatiques et écrits, exploitations statistiques à des fins d’optimisation de la rentabilité, etc. Les procédures correspondent à deux actions différentes : prise de connaissance et application. Le passage de relais pour le traitement du dossier client nécessite une coopération qui est parfois « sous tension ». La diffusion des informations reste parfois difficile à maîtriser.

Le management

Les superviseurs et les chefs de plateau doivent être attentifs à mettre de l’humain dans un environnement technologique qui conditionne au formalisme. La qualité de la relation humaine entre le téléopérateur et le superviseur est essentielle.

La santé

Répondre aux exigences de plus en plus fortes des donneurs d’ordres représente un défi permanent pour les centres d’appels. La concurrence entre prestataires vient ajouter une pression supplémentaire. Aussi, le métier change en profondeur avec de nouvelles modalités de contact avec les clients finaux, notamment par le biais l’internet et de l’e-mailing. Plus que jamais, allier performance et polyvalence des téléopérateurs constitue un enjeu capital. Il convient de porter une attention particulière à propos de la santé mentale des téléopérateurs dans ce contexte. Il en va de leur bien-être comme de la pérennité des entreprises.

Quand l’ASMIS soutient une thèse…

Service de Santé au Travail de la Somme, l’ASMIS (Association Santé et Médecine Interentreprises du département de la Somme), conseille 10 300 entreprises adhérentes et suit leurs 126 700 salariés, dont 13 000 agents de la fonction publique et 6 200 travailleurs temporaires. L’ASMIS emploie 150 salariés, dont 44 médecins, 9 infirmiers, 27 intervenants en prévention des risques professionnels, 49 assistants de santé au travail. C’est dans le cadre d’une Convention Industrielle de Formation par la REcherche (CIFRE) passée avec l’Université de Picardie Jules Verne, que l’ASMIS a soutenu le travail d’une recherche action menée par Alexandre Dedourge, ergonome doctorant. Cette recherche-action fait l’objet de sa thèse de doctorat, placée sous la direction de Gérard Valléry, professeur en ergonomie, Université de Picardie Jules Verne, Centre de Recherche en Psychologie, Cognition, Psychisme et Organisations. Entre ses entreprises adhérentes et l’Université, l’ASMIS ouvre ainsi un lien qui concourt au progrès des connaissances.

Le comité de pilotage

L’étude ergonomique de l’activité réelle de travail chez les téléopérateurs en centre d’appels téléphoniques externalisés a été réalisée grâce à la mise en place d’un comité de pilotage pluridisciplinaire composé de :
• Rachel Ajroud, Ergonome, Responsable du Service Expertise Technique et Organisationnelle, ASMIS (Association Santé Médecine Interentreprises du département de la Somme)
• Bernadette Bouchard-Cugier, Médecin du travail, ASMIS
• Alexandre Dedourge, Ergonome doctorant, ASMIS, UPJV (Université de Picardie Jules Verne)
• Elisabeth Foulques, médecin du travail, ASMIS
• Gérard Vallery, Professeur en Ergonomie, UPJV – Centre de Recherche en Psychologie, Cognition, Psychisme et Organisations.
L’étude a pu être menée grâce au concours de deux centres d’appels externalisés, adhérents à l’ASMIS.

(Publié dans le N°28 : Tous connectés et la santé dans tout cela ? ) le 17/11/2014

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