Laurent Pietraszewski Secrétaire d’État chargé des Retraites et de la Santé au travail

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" Le maintien en emploi est une priorité majeure en matière de santé au travail "

" Les services de santé au travail font déjà de la prévention auprès des entreprises "

Loi du 2 août 2021 - « Un bond en avant pour la santé au travail »

Le 2 août 2021, la loi « pour renforcer la prévention en santé au travail » a été adoptée. Cette loi transpose l’accord national interprofessionnel du 20 décembre 2020 (1). Les partenaires sociaux ont eu une place essentielle dans son élaboration. Cette loi est peut-être aussi importante que la loi du 11 octobre 1946, qui est retenue comme étant la loi fondatrice de la médecine du travail en France.  Monsieur Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des Retraites et de la Santé au travail a accepté de répondre aux questions d’Entreprise & Santé.

E&S : Aujourd’hui, que dire sur l’importance de la santé au travail ?

Laurent Pietraszewski : « Je dirais deux choses. D’abord, le travail doit être un élément d’épanouissement : il ne doit pas être un facteur d’altération de la santé du salarié. Ensuite, la santé au travail relève d’un compromis social originel. Certes, le médecin du travail et l’équipe de santé au travail sont portés financièrement par l’employeur. Mais ils doivent permettre de réinvestir la prévention pour chacun. Pour l’employeur d’une part, et pour les salariés d’autre part. Car la prévention est un élément fondamental de la santé. Et la santé concourt au développement de l’entreprise. Il s’agit bien d’investir en prévention. »

E&S : Justement, la loi du 2 août a pour objet de « renforcer la prévention en santé au travail ». Le DUERP devra donc définir clairement des actions de prévention.

Laurent Pietraszewski : « Il faut distinguer le droit théorique et le droit pratique. En théorie, ce document unique s’impose à toutes les entreprises. Et cela, depuis 20 ans. En pratique, une entreprise sur deux le fait ! Et il faut aussi bien distinguer la petite entreprise artisanale, par exemple ma boulangerie où 10 salariés travaillent avec le patron, et l’usine ou le grand magasin qui disposent d’une équipe dédiée aux ressources humaines. Ces deux situations sont bien différentes. La nouvelle loi en tient compte. Pour les entreprises de 50 salariés et plus, le document unique devra définir un plan pluriannuel de prévention ; pour les entreprises de moins de 50 salariés, il devra acter des actions de prévention. Ces dispositions entreront en vigueur au 31 mars 2022. Chaque entreprise devra alors identifier des objectifs précis de prévention et organiser les ressources pour les atteindre. Comme elle le fait pour ses autres investissements. Et le service de prévention et de santé au travail, auquel adhère l’entreprise, est là pour l’aider.  Beaucoup d’entreprises et de services de santé au travail le font déjà ! »

E&S : Les services de santé au travail deviennent des services de prévention et de santé au travail…

Laurent Pietraszewski : « Effectivement. Attention, ce n’est pas de l’affichage ! Il est très important de bien nommer les choses. Pour les partenaires sociaux d’une part, et pour toutes les entreprises d’autre part. Les services de santé au travail font déjà de la prévention auprès des entreprises : évaluation des risques à un poste de travail, ergonomie, accompagnement pour la prévention des risques psycho-sociaux, la promotion de la qualité de vie au travail et l’amélioration des conditions de travail, etc. Il s’agit aujourd’hui de le reconnaître et de faire, en même temps, un bond en avant pour la santé au travail. »

E&S : D’où la définition d’une offre de service claire auprès des entreprises ?

Laurent Pietraszewski« Tout à fait ! Cet accompagnement des entreprises dans la prévention des risques professionnels doit être lisible. A ce propos, l’artisan doit comprendre et voir ce que lui apporte son service de prévention et de santé au travail. C’est le sens de l’offre socle, que les services de prévention et de santé au travail devront bien définir, en application de la nouvelle loi. Mais soyons clairs : ce n’est pas une offre « discount ». Cette offre socle doit permettre à l’entreprise de répondre à ses obligations légales. Elle doit être détaillée et expliquée. Elle doit être partagée sur tout le territoire. C’est-à-dire, être homogène non seulement au sein de la région des Hauts-de-France… mais aussi sur toute la France ! Et répondre à des critères de qualité. D’où l’obligation d’une certification. Cette offre socle doit bénéficier aux salariés, être adaptée à la taille de l’entreprise et correspondre à sa cotisation. Aides à la prévention des risques, suivi individuel des salariés en santé au travail, conseils et actions pour le maintien en emploi sont la base de cette offre socle. Le service de prévention et de santé au travail pourra aussi proposer une offre complémentaire. Cette offre complémentaire sera facturée à l’entreprise si elle souhaite en bénéficier. »


E&S : La loi comprend plusieurs dispositions pour le maintien en emploi…

Laurent Pietraszewski : « Pendant 15 ans, j’ai été responsable des ressources humaines, dans un groupe privé, sur Lille et sa région. Une fois par mois, le médecin du travail, le Dr Jacques Delbey, de Pôle Santé Travail Métropole Nord, venait me rencontrer. Ensemble, et dans le respect du secret médical, nous passions en revue les situations de travail, dans lesquelles les salariés étaient en difficulté du fait de leur santé. Nous anticipions et cherchions ensemble les solutions envisageables, pour que le salarié puisse garder son emploi.  Beaucoup de médecins du travail, avec leurs équipes de santé au travail, agissent ainsi. Cela est peu connu et hétérogène selon les territoires. La nouvelle loi impose la mise en place d’une cellule pluridisciplinaire de prévention de la désinsertion professionnelle dans chaque service de prévention et de santé au travail. Chaque entreprise, quels que soient son activité et son lieu d’implantation, doit pouvoir bénéficier d’un accompagnement en santé au travail, pour le maintien en emploi de ses salariés. La nouvelle loi prend des dispositions pour faciliter les liaisons nécessaires entre tous les acteurs concernés. Elle crée la visite médicale de mi-carrière avec le médecin du travail. Le maintien en emploi est une priorité majeure en matière de santé au travail, tant pour les salariés que pour les entreprises. »


E&S : Que dire du pilotage de la santé au travail ?

Laurent Pietraszewski : « De manière imagée, je dirai que ce sont les partenaires sociaux qui " sont aux manettes ", tant au niveau national que régional. De manière plus institutionnelle, la nouvelle loi prévoit la mise en place du Comité national de prévention et de santé au travail, au sein Conseil d’orientation des conditions de travail. Ce comité aura pour mission, notamment, de définir la liste et les modalités de l’offre socle des services de prévention et de santé au travail, en matière de prévention des risques professionnels, de suivi individuel en santé au travail des salariés, de préven-tion de la désinsertion professionnelle. Au niveau régional se mettra en place le Comité régional de prévention et de santé au travail, au sein du Conseil régional d’orientation des conditions de travail. Ce comité aura notamment pour mission de promouvoir l’action en réseau de l’ensemble des acteurs régionaux et locaux de la prévention des risques professionnels. »

E&S : Quel conseil donneriez-vous à un « patron » de TPE ou de PME ?

Laurent Pietraszewski : « C’est simple : ne pas hésiter à appeler son service de prévention et de santé au travail ! Que l’on soit boulanger, coiffeur, garagiste, commerçant ou que l’on ait un atelier de fabrication ou une autre activité, les services de prévention et de santé au travail sont là pour apporter à chaque entreprise un conseil avisé. Ils peuvent venir sur place.  Ces services disposent de professionnels spécialisés et très avertis des réalités du terrain. »

Biographie express - Laurent Pietraszewski 

Né le 19 novembre 1966 à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) de parents commerçants et artisans, Laurent Pietraszewski est titulaire d’un Diplôme d’études approfondies (Dea) d’économie industrielle et ressources humaines de l’Université de Lille. Il mène pendant 17 ans une carrière dans les ressources humaines, avant d’entrer en politique.

  • 1990 : agent de maîtrise puis responsable de la gestion des carrières, du recrutement et de l’évaluation, dans un groupe de grande distribution.
  • Juin 2017 : élu député de la 11e circonscription du Nord (Armentières, Lille-Sud-Ouest, Nord), membre de la commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale.
  • 2017-2019 : rapporteur des lois d’habilitations et de ratification des ordonnances pour le renforcement du dialogue social, représentant de l’Assemblée nationale au Conseil d’orientation des retraites (COR) et membre suppléant du conseil de surveillance du Fonds de réserve des retraites.
  • Décembre 2019 : secrétaire d’Etat chargé des Retraites.
  • Mai 2020 : secrétaire d’Etat chargé des Retraites de la protection des salariés contre l’épidémie de Covid-19.
  • Depuis Juillet 2020 : secrétaire d’Etat chargé des Retraites et de la Santé au travail, auprès de la ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion.

Sur le plan associatif, Laurent Pietraszewski s’est investi auprès de « Force Femmes », qui œuvre pour aider les femmes pour leur retour à l’emploi et la création d’entreprise.

(Publié dans le N°56 : Bureaux, salles de réunion, commerces et restaurants… Du bon, du bon… du bon air !) le 14/10/2021