Loi du 2 août 2021 : ET…SUR LE TERRAIN ?

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La loi du 2 août 2021 « pour une prévention renforcée en santé au travail » met l’entreprise et son (ses) salarié(s) au centre du dispositif. L'entreprise doit développer plus que jamais des actions de prévention. Pour l’accompagner, elle bénéficie de son service de prévention et de santé au travail, dont l’offre de prestations est uniformisée sur l’ensemble du territoire : aide à l’évaluation des risques, prévention de la désinsertion professionnelle, suivi individuel de santé au travail. Dix directeurs de services de prévention et de santé au travail des Hauts-de-France témoignent. 

« En fait, il nous faut attendre les nombreux décrets à paraître »

« Beaucoup de dispositions prises par cette loi du 2 août 2021 sont déjà en œuvre au niveau des services de prévention et de santé au travail. Par exemple, nous faisons déjà l’accompagnement des entreprises pour l’élaboration du DUERP, lors de l’établissement de la fiche d’entreprise.  Il en est de même pour l’aide à la conception et à la réalisation d’actions de prévention des risques professionnels. De même, nous intervenons déjà pour le maintien en emploi et la prévention de la désinsertion professionnelle… En fait, il nous faut attendre les nombreux décrets à paraître, pour connaître les conséquences en termes d’offre socle et d’offre complémentaire, de règles pour les cotisations et d’impacts sur la gouvernance. Bref, il y a encore de nombreuses inconnues. »

Anne Boquet
Directrice AISMT

 

« Prévention, innovation et harmonisation »

« Trois mots résument cette loi : prévention, innovation, harmonisation. La prévention, par le renforcement de l’appui à l’évaluation des risques. Et, aussi, par l’accompagnement de l’entreprise dans une démarche de prévention. On parle bien du travail réel et des fondamentaux de la prévention. C’est important ! Le collectif est au cœur de la prévention. Ensuite, l’innovation. Il faut se réinventer pour une nouvelle approche de la prévention primaire au sein des entreprises et développer les outils numériques adéquats. Nous avons également une efficience à apporter aux entreprises, pour aider sur tous les enjeux de la santé et de la prévention. Enfin, troisième notion : l’harmonisation. Nous devons apporter aux entreprises adhérentes, sur l’ensemble du territoire, une offre de service globale et lisible, qui lui soit clairement identifiable. Cette harmonisation est importante pour décliner une offre à chaque entreprise, dans le respect, bien sûr, du secret médical. Sans oublier que le service de santé au travail reste un partenaire de l’entreprise, auprès des employeurs et des salariés ».

Francine Lemonnier
Directrice générale ASMIS

 

« L’entreprise pourra choisir une "offre complémentaire"en fonction de ses besoins »

« Aujourd’hui, la cotisation est différente selon les services de prévention et de santé au travail, avec une offre différente d’un service à l’autre. La nouvelle loi devrait apporter une meilleure lisibilité du contrat avec l’adhérent. L’offre devra être homogène sur l’ensemble du territoire et répondre à une certification. La cotisation sera encadrée et associée à des prestations bien définies. Si une entreprise a plusieurs sites, elle aura la même cotisation et la même offre socle. Nous avons déjà une offre fournie, que la mutualisation doit préserver. Attention à l’offre minimaliste ! Il faut mettre les moyens là où il y a des besoins, surtout pour les petites entreprises. L’adhérent pourra choisir une "offre complémentaire" à son "offre de base" qui, par ailleurs, devrait évoluer vers plus de santé publique et environnementale : vaccination, promotion de l’activité physique… Mais notre cœur de métier reste l’accompagnement de chaque entreprise pour la prévention des risques professionnels ».

Philippe Duflo
Directeur général ACTION SANTÉ TRAVAIL

Olivier Hardouin
Directeur délégué ACTION SANTÉ TRAVAIL

 

« la culture de la qualité est déjà notre quotidien »

« Il faut revenir à la genèse de cette loi. Elle repose sur des constats qui étaient partagés : défaut d'harmonisation des prestations et des pratiques, manque de visibilité, disparités des moyens... En cela, la loi constitue un levier d'opportunités pour améliorer nos processus au bénéfice des entreprises et de leurs salariés. Certes, nous allons être amenés à réinventer nos formats. Il nous faut décliner une offre de service uniforme sur la France, dans une logique de maillage territorial et en raisonnant à partir des besoins. Dans ce cadre, l'offre "socle" recouvrira à elle seule un panel très large de prestations de prévention.  Des critères évalueront de manière objective la qualité et l'effectivité du service rendu. Cela permettra de tendre à l'amélioration continue au profit de nos publics et de nos missions. En l'espèce, on peut noter que sur les neuf services de prévention et de santé au travail certifiés ISO 9001 en France, six services sont dans les Hauts-de-France. Les équipes sont donc prêtes. Pour nous, la "relation client-fournisseur", "le sens du service", "l'amélioration continue" ne sont pas des gros mots mais des réalités du quotidien ! ».

Yann Flanquart
Directeur général ASTAV

 

« La prévention est un investissement et un avantage concurrentiel »

« Le Plan national de santé au travail et la prévention primaire prennent de plus en plus d’importance. Il s’agit de maîtriser les risques à la source. Cela n’est pas perçu par de nombreux adhérents, qui ne sortent pas du prisme de la visite médicale. Délivrer une aptitude ou une inaptitude médicale n’est qu’une des missions élargies des services de prévention et de santé au travail. Nos équipes pluridisciplinaires concourent à l’évaluation des risques en entreprises et les accompagnent dans des actions de prévention, depuis plus de dix ans. Pour l’entreprise, la prévention est un investissement profitable et un avantage concurrentiel souvent insoupçonné. Le service de prévention et de santé au travail apporte une approche scientifique pour la maîtrise des risques au travail. Les indicateurs de santé et de sinistralité deviennent essentiels pour piloter le développement de la prévention, en ciblant nos interventions. Nos pratiques se professionnalisent et les comportements évoluent. Il faut du temps pour que les lignes bougent, mais on avance ! ».

Christophe Géneau
Directeur général ASTIL 62

 

« Comment réussir à remplir nos missions sur les 20 prochaines années ?  »

« La nouvelle loi ouvre peu de nouvelles pistes pour assurer les missions et les prestations prévues par la réglementation. Les exigences pesant sur les SPSTI sont augmentées : accompagnement en prévention pour le DUERP, visite médicale de fin de carrière et de mi-carrière. S’agissant de l’accompagnement des entreprises pour la prévention des risques professionnels, nous le faisons déjà et nous pouvons le développer. Nous n’avons pas de difficulté avec cela. Les difficultés relèvent de la démographie médicale, et cela ne concerne pas que le nombre de médecins du travail. Un grand nombre de nos territoires sont sinistrés, avec de grandes tensions en médecine générale et dans bien d’autres spécialités médicales. D’où une question : comment réussir à remplir nos missions sur les 20 prochaines années ? Sur le plan médical, notre capacité d’intervention va aller en diminuant avec une charge de travail qui est augmentée par la nouvelle loi. Celle-ci élude complètement le problème et va nous conduire à travailler en mode dégradé pendant encore de nombreuses années. »

Benoit Laurent
Directeur général CEDEST

 

« Nos équipes ont déjà une pratique experte de l’évaluation des risques et des préconisations de prévention »

« On est dans un virage. Et il faut se re-questionner : salariés, employeurs… et nous-même ! La loi nous demande clairement aujourd’hui d’accompagner les entreprises pour la prévention, la qualité de vie au travail, le maintien en emploi du salarié. Nous avons donc « trois piliers » en termes d’offre de service : prévention des risques, prévention de la désinsertion professionnelle, suivi de santé au travail. Sur chacun de ces axes, nous sommes attendus en termes de qualité et d’efficacité de la prestation. C’est normal ! La loi crée l’obligation d’une certification : pour notre part, nous sommes déjà certifiés Iso. Nos équipes ont une pratique très avertie et experte de l’évaluation des risques et des préconisations de prévention. Aujourd’hui, nous devons aider à l’élaboration du DUERP :
nous savons et pouvons le faire. Notre atout reste l’expertise médicale, concentrée aujourd’hui sur les situations de travail complexes. Reste à le faire encore mieux savoir et reconnaître auprès des salariés et des employeurs et de l’Etat ! ».

Hervé Dubois
Directeur  général de PRESOA

 

« Transposant un accord national interprofessionnel, cette loi prend sa source dans le dialogue social »

« Cette loi du 3 août 2021 transpose l'accord national interprofessionnel du 20 décembre 2020. C'est dire la place des syndicats représentatifs dans sa genèse. Elle est fondatrice ! Les entreprises gardent la gestion de leurs services de prévention et de santé au travail et la maîtrise de leurs projets. De nouveaux droits sont créés. Par exemple, la visite de fin de carrière qui est un progrès social pour le suivi post-professionnel. Notre périmètre est augmenté : dirigeants et travailleurs non-salariés (TNS), emplois familiaux, salariés particuliers employeurs... La prévention reste notre mission principale, tous en l'ouvrant aux dépistages, aux vaccinations et la promotion des pratiques sportives. Les entreprises doivent mettre en place les passeports prévention et développer la formation à la sécurité pour leurs salariés. Elles doivent aussi inclure des actions de prévention dans leur DUERP. La loi est très claire : chaque entreprise a, pour ce faire, un partenaire privilégié dont la mission est de l'aider à évaluer les risques professionnels et à concevoir puis mettre en œuvre son plan de prévention. Il s'agit de son service de prévention et de santé au travail ! ».

Damien Vandorpe
Directeur général PÔLE SANTE TRAVAIL Métropole Nord

 

« La santé au travail poursuit sa mutation  »

« La réforme place l’offre de service et sa certification, au centre de la relation avec les entreprises. L’ambition est d’avoir une homogénéisation de l’offre sur l’ensemble du territoire, tant dans son contenu que sa qualité. Notre mission pour la prévention des risques professionnels en entreprise, est renforcée. La santé au travail poursuit sa mutation. Nous devenons d’ailleurs service de prévention et de santé au travail. La visite médicale n’est plus l’unique prestation, il faut que les adhérents en prennent conscience. Les décrets à paraître vont déterminer le standard de ce que nous devrons délivrer aux entreprises. La prévention et les actions collectives prennent leur place comme cœur de métier. Toutefois, alors que de nombreux territoires souffrent d’une pénurie de médecins, la nouvelle loi n’apporte pas de réponse aux difficultés structurelles de la démographie de médecins du travail. Or celui-ci reste la clef de voûte de notre dispositif. Il reste donc une problématique majeure  ».

Matthieu Le Greneur
Directeur général STSA

 

« Cette loi préfigure ce que devra être le service de santé au travail de demain »

« Nous devenons les services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI). En restant dans le champ de la médecine préventive, nous devons développer notre offre en termes de maîtrise des risques à la source, c’est à dire en termes de « prévention primaire ». Cette loi remet l’entreprise, et ses salariés, au cœur du dispositif. Nous sommes dans une position de prestataire auprès des entreprises adhérentes, dans une relation d’aide. Nous devons mieux rendre compte de la pertinence et de la qualité de la prestation, auprès de chaque entreprise adhérente. Cette loi nous amène à nous questionner, face au monde qui change et aux réalités du terrain. Au niveau du SIM’UP, nous sommes déjà engagés dans la voie de la certification. Nous allons faire évoluer nos pratiques, notre système d’information et notre organisation, tout en introduisant la RSE (Responsabilité sociale des entreprises). Cette loi est un tremplin pour introduire la modernité, en nous amenant à être toujours plus réactif et agile ».

Hervé Morel
Directeur du SIM’UP

 

> Connaissez-vous votre service de santé au travail dans les Hauts-de-France?

 

 

(Publié dans le N°57 : Loi du 2 août 2021, Risques professionnels : quoi de neuf ?) le 14/01/2022

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