Axelle Treiber & Samuel Chochoy, toxicologues industriels, PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord, Chefs de projets association Toxilist

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" Toujours améliorer la réponse et le service à l’entreprise "

Combien de TPE et PME savent qu’en payant leur cotisation en santé au travail, elles bénéficient des services de toxicologues, pour répondre à leurs questions sur le risque chimique ? Très peu. Et pourtant, le risque chimique est partout. Personne ne le conteste ! Chefs de projet à l’association Toxilist, Axelle Treiber et Samuel Chochoy, toxicologues industriels chez PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord, répondent aux questions d’Entreprise & Santé.

E&S: D’où viennent les « toxicologues en santé au travail » ?

Samuel Chochoy : « Les toxicologues en santé au travail, comme vous le dites, sont récents. Ils existent depuis 10 à 15 ans. Nous intervenons au sein de l’équipe pluridisciplinaire de santé au travail, auprès du médecin du travail ».
Axelle Treiber : « Au niveau de notre formation, nous venons tous d’horizons différents (chimie, pharmacie, biochimie…), certains avec une spécialité en toxicologie industrielle. Il n’y pas de diplôme de toxicologues en santé au travail… Notre particularité est d’être effectivement en dialogue permanent avec l’entreprise et son médecin du travail ».

E&S: Comment résumer le risque chimique ?

Axelle Treiber : « Résumer le risque chimique ! Soit, il est clair et immédiat : on fait alors attention. On peut citer, par exemple, les irritations cutanées, voire les brûlures de contact. Soit le risque n’est pas perceptible… et on l’oublie ! Cependant, il fait partie de notre quotidien. Attention aux effets à long terme… Le risque chimique est alors discret et insidieux : on ne le voit pas. Voire, on ne le sait pas ! ».
Samuel Chochoy : « Le caractère insidieux et méconnu est effectivement essentiel ! Par exemple, on utilise en toute tranquillité nombre de colles ou de solvants, dans nombre d’activités, sans se questionner sur la composition de ces produits… Il en est de même pour les poussières ou particules en suspension. Or, nous pouvons évaluer le risque chimique ».

E&S: Comment une TPE ou une PME peut-elle agir face au risque chimique ?

Axelle Treiber : « En consultant son service de prévention et de santé au travail ! Nous sommes là pour évaluer le risque en situation réelle de travail et conseiller sur la mise en oeuvre de mesures de prévention et de protection, dans le respect des réglementations en vigueur. La première information est la fiche de données de sécurité, que toute entreprise doit avoir en recevant des produits chimiques, en dehors des produits de cosmétologie. Nous agissons en prévention primaire, pour éviter une exposition à un risque créateur de maladie ou d’accident. Nous pouvons aider le médecin du travail à évaluer l’imprégnation d’un organisme devant une exposition à un produit chimique, raisonner sur la dose externe et la dose interne ».

Samuel Chochoy : « Nous sommes là pour aider l’entreprise à repérer un risque chimique et bien en identifier les dangers pour la santé. Pour que l’entreprise en prenne conscience et mette en oeuvre une protection collective et/ou individuelle. Il peut également s’agir de mesures organisationnelles. Nous sommes là aussi pour conseiller le médecin du travail pour lui permettre d’adapter le suivi individuel de santé au travail à mettre en oeuvre ».

E&S: Sur ce sujet, vous pouvez citer des exemples…

Samuel Chochoy : « Récemment, en lien avec le médecin du travail, nous nous sommes interrogés sur les risques potentiels de certains produits chimiques ou activités chez des salariés présentant une insuffisance rénale ou hépatique. Plus fréquemment, nous intervenons en prévention sur les dangers de certaines substances chimiques vis-à-vis de la fertilité (homme ou femme), de la grossesse ou de l’allaitement ».

E&S: On parle aujourd’hui, de plus en plus, de traçabilité…

Axelle Treiber : « Oui… En application des différentes règlementations, les entreprises doivent engager des politiques de traçabilité des expositions. Lors de son départ en retraite, un salarié doit savoir s’il a été exposé à un risque chimique particulier. La veille scientifique a également toute son importance. Le cas échéant, la science permet d’orienter vers des changements de produits ou de procédés ».

E&S: Que dire des risques émergents ?

Axelle Treiber : « Ils existent, à côté des risques anciens qu’il ne faut pas oublier. L’exposition à la silice cristalline est reconnue réglementairement comme une exposition cancérogène, et cela va bientôt être le cas pour les fumées de soudage. Mais nous chassons ces expositions depuis plusieurs années déjà. Les perturbateurs endocriniens concernent notre vie professionnelle et personnelle. Les nanomatériaux requièrent une vigilance extrême. Il faut aussi être attentif aux produits dit " naturels ". Par exemple, les huiles essentielles, très en vogue aujourd’hui dans les métiers de soins de beauté ou de délassement, ne sont pas sans risques ».

Samuel Chochoy : « L’actualité règlementaire est là. Le DUERP doit garantir une traçabilité sur 40 ans. L’exposition au risque chimique en fait partie. Les travaux exposant à la silice, les gaz et fumées d’échappement, notamment diésel, ou encore le contact avec la peau avec des huiles usagées sont aujourd’hui reconnus cancérogènes par arrêté. Des discussions sont en cours pour les fumées de soudage et les cytostatiques. Tout ceci est à mettre en perspective des responsabilités de l’employeur et de l’obligation de mettre en oeuvre des moyens de protection, collective et individuelle ».

E&S: L’association Toxilist a organisé les journée Toxidays à Lille en avril 2022 ? Que pouvez-vous nous en dire, en quelques mots ?

Samuel Chochoy : « La toxicologie, c’est complexe ! Il vaut mieux partager nos savoirs. C’est l’objectif principal de l’association Toxilist. Les journées « Toxidays » nous permettent de partager toute l’actualité, de débattre et d’échanger sur nos expériences et nos pratiques ».
Axelle Treiber : « Le travail en réseau est aujourd’hui essentiel. Il faut effectivement capitaliser nos expériences, au service des entreprises et de leurs salariés ! »

Les « Toxidays » Échanger pour progresser ensemble au service des entreprises !

À Lille, les 5 et 6 avril 2022, les premières « Toxidays », organisées par l’association Toxilist, ont réuni plus de 150 professionnels de santé au travail (toxicologues, techniciens et ingénieurs de prévention, médecins du travail, ...), venant de 57 services de prévention et de santé au travail, sur un programme en six sessions :

  • Actualités en toxicologie en santé au travail.
  • Prévention du risque chimique : actualités réglementaires.
  • Données ECHA (Agence européenne des produits chimiques) : utilisation en santé travail.
  • Traçabilité et approche populationnelle : quels indicateurs sur les agents chimiques en santé au travail ?
  • Risques émergents (Perturbateurs endocriniens, risques allergiques).
  • Témoignages : les agents chimiques en milieu de travail.

Bref, échanger sur les actualités toxicologiques, au service des entreprises adhérentes !

Le point de vue de Vincent Aubert, toxicologue industriel, ASMIS (santé au travail de la Somme).

" Toujours améliorer la réponse et le service à l’entreprise "

Docteur en chimie moléculaire, Vincent Aubert débute sa carrière comme chargé de projets recherche et développement en chimie, en électronique moléculaire ainsi qu’en peinture. Puis il est responsable "substances chimiques" dans le secteur automobile (conformité à la réglementation, maîtrise du risque, formation-information des salariés). Il rejoint l’ASMIS en 2019, comme toxicologue.
« Toxilist nous permet de disposer d’un logiciel, véritable outil d’analyse des fiches de données de sécurité. Ce logiciel nous permet d’harmoniser nos analyses et nos réponses aux entreprises, en constituant une base de données mutualisée et collaborative. Quel que soit son lieu d’implantation en France, l’entreprise adhérente bénéficie ainsi d’un service harmonisé et de qualité. Avec Toxilist nous montons en compétences, en mutualisant les connaissances de chaque toxicologue. Des journées comme Toxidays nous permettent d’échanger et de débattre. C’est très important. Nous avons bénéficié de conférences très concrètes, notamment sur les dernières avancées réglementaires, mais aussi sur les risques émergents. Les échanges de pratique nous permettent de toujours améliorer la réponse et le service aux entreprises adhérentes ».

Association Toxilist
Comment 57 services de prévention et de santé au travail collaborent face au risque chimique… pour 561 000 entreprises et 6,7 millions de salariés !


Présidée par Louis-Marie Hardy, l’association TOXILIST a été créée en 2019 par 14 services de santé au travail. Trois ans après, elle regroupe des professionnels en santé au travail venant de 57 services de prévention et de santé au travail de France métropolitaine et ultra-marine.

Deux bases de données partagées pour mieux exploiter les fiches de données de sécurité

L’association Toxilist a pour objet de regrouper, gérer et de promouvoir des bases de données toxicologiques et des bases de données produits, interfacées en temps réel et enrichies par l’expérience des professionnels, dans une dynamique collaborative et partagée. Elle met à disposition des professionnels de santé au travail l’application TOXILIST, qu’elle a créée et développée sous technologie web avancée :
■ Rechercher, partager, consulter des informations sur les agents chimiques.
■ Recueillir de manière harmonisée des informations, en respectant l’anonymat des entreprises.
■ Assurer la gestion et le suivi des agents chimiques présents dans une entreprise pour conseiller en prévention des risques chimiques et adapter la surveillance médicale.

Le travail en réseau au service des entreprises

L’association met en place une collaboration durable en toxicologie industrielle entre les services de prévention et de santé au travail interentreprises : mutualisation des compétences, partage et retours d’expérience, harmonisation des pratiques, information des professionnels de santé au travail. Bref, un véritable travail en réseau au bénéfice des entreprises et de leurs salariés !

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BIOGRAPHIE EXPRESS

Samuel Chochoy, toxicologue industriel PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord,
chef de projet à l’Association Toxilist

Ayant une maîtrise en biochimie et un master en toxicologie industrielle et environnementale, Samuel Chochoy a réalisé un stage de 2 ans au sein du Laboratoire UF Toxicologie du CHRU de Lille, avant de rejoindre, en 2004, l’Amest (Association pour la médecine et la santé au travail), qui a intégré PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord en 2010.

Axelle Treiber, toxicologue industriel PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord,
chef de projet à l’Association Toxilist

Ingénieure chimiste en génie environnemental, Axelle Treiber a d’abord travail lé en laboratoire de contrôle accrédité. Elle a rejoint PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord en 2011.

(Publié dans le N°58 : TPE-PME : la santé au travail comme facteur de croissance !) le 10/05/2022