Le travail, c’était ma thérapie…

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Cargill, Haubourdin

Victor Vanborre, 54 ans, marié et père de famille, atteint d’une maladie neurologique dégénérative qui détruit un peu plus chaque jour ses muscles. Il vit en fauteuil électrique, commandé par une manette au menton. Son épouse l’aide au quotidien. Mais il y a peu Victor travaillait encore ! Récit d’une histoire de courage, de solidarité, et d’engagement…

Victor, un prénom qui résonne comme une belle aventure humaine pour cette entreprise.

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On passe le portail de la société Cargill (350 salariés) à Haubourdin, tout de suite, le visage de la secrétaire s’illumine : « Bonjour Victor, quel plaisir de te voir ici ! » Victor, un prénom qui résonne comme une belle aventure humaine pour cette entreprise. Victor est connu de tous. 33 ans d’ancienneté dont 24 passés à la production et 9 au pointage de l’usine. Il apprend en 2006 qu’il souffre d’une sclérose latérale amyotrophique. Concrètement, il décrit cela comme « la fonte de ses muscles ». La nouvelle est dure à entendre, mais les symptômes ne sont pas immédiats. La vie continue jusqu’au jour où son pied commence à ne plus répondre. Finie la conduite ! Comment faire ? Quoi dire à ses collègues ? « Je ne voulais pas en parler. J’avais peur du regard des autres », avoue t-il.

Un pour tous…

Mais voilà, ses collègues comprennent vite qu’il y a un problème. Ils savent… « Quand j’ai compris que tout le personnel était au courant pour la maladie, j’ai décidé de ne pas les laisser tomber. J’allais continuer à travailler, tant que la maladie me le permettrait ». Victor rencontre l’infirmière de l’entreprise, Joëlle Milliez (SSTRN), et le médecin du travail, Lucette Mignien, de la Santé au Travail de Lille (AMEST). Toutes les deux n’ont qu’un seul objectif : « maintenir Victor a son poste ». Plusieurs aménagements sont décidés, en concertation avec la Direction de Cargill Haubourdin. Ils suivent le cours de sa maladie. Au début, juste un fauteuil ergonomique, puis vient le temps de réaménager l’ensemble du local de pointage. Un investissement conséquent, qui a non seulement tenu compte du handicap de Victor, mais aussi des demandes de ses collègues.

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…et tous pour Victor !

Pour le docteur Lucette Mignien, cette expérience montre « tout l’intérêt d’un travail en concertation avec les salariés, la Santé au Travail, la direction de l’entreprise, les partenaires sociaux, l’assistante sociale du SSTRN, le SAMETH Emploi et Handicap… Le nouvel aménagement, réalisé après étude ergonomique, a profité à M. Vanborre et à ses collègues. Au total, 13 870 euros financés aux deux tiers par l’entreprise et un tiers par l’AGEFIPH ». Les déplacements de Victor étant de plus en plus difficiles, un covoiturage s’organise avec son collègue Ludovic. La domotisation de son fauteuil de travail lui permet de tout gérer à distance : l’ouverture des barrières d’accès à l’usine, le décrochage du téléphone… Victor ne peut malheureusement plus travailler seul. La solution est rapidement trouvée. Profitant de son expérience,l’entreprise fait de lui un formateur pour les nouveaux salariés qui arrivent au poste de pointage. Ils peuvent ainsi l’aider tout en apprenant de lui un métier, essentiel au bon fonctionnement de l’usine.

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Un investissement humain

A contre coeur, mais parce qu’il faut bien reconnaître ses limites, Victor décide de s’arrêter en janvier de cette année. Deux ans de lutte contre la maladie pour se maintenir à son poste… et l’entreprise dans tout ça ? Anne-Sophie Leroux, Adjointe Relations Sociales, n’hésite pas à défendre l’investissement humain : « Personne n’est à l’abri d’une telle maladie. Nous cultivons une forte tradition d’entraide. Les aménagements pour Victor ont été importants. Cependant, ils profitent à tous. Pour nous, il s’agit aussi de reconnaître l’engagement d’un salarié depuis 30 ans à nos côtés. Ce n’est qu’un juste retour des choses ». Alors, demandez à Victor pourquoi avoir continué à travailler alors qu’il savait que tôt ou tard la maladie le rattraperait. Il vous répondra simplement : « Le travail, c’était ma thérapie. Travailler pour ne pas penser et faire connaître la maladie… »

(Publié dans le N°6 : Gestes répétitifs vous avez dit ) le 15/05/2009

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