Jean-Michel Dupuis, président de PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord, vice-président de Présanse Hauts-de-France

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« Apporter un accompagnement concret à chaque entreprise »

« Il nous faut donc rester " local " : la proximité permet de s’adapter en permanence au tissu économique du bassin d’emploi ».

« Il nous faut raisonner " régional ". Dans une véritable intelligence collective, au sein de laquelle chaque SPSTI a un rôle à jouer ».

Venant du monde industriel, Jean-Michel Dupuis devient administrateur patronal de PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord en avril 2019. Il en a été élu président du Conseil d’administration paritaire en juin 2019. Toujours en activité professionnelle, il assure ce mandat à titre bénévole. Jean-Michel Dupuis fait donc partie de ces « nouveaux venus », à la présidence des services de prévention et de santé au travail interentreprises, qui sont, rappelons-le, des associations à but non lucratif. Il est, en outre, vice-président de Présanse Hauts-de-France[1] et administrateur de Présanse au niveau national. Directeur de publication d’Entreprise & Santé, Jean-Michel Dupuis nous livre ses réflexions sur les mutations en cours au sein de la « santé au travail ».




E&S Les services de santé au travail sont en pleine mutation. Pourquoi ?

Jean-Michel Dupuis :  Excusez-moi… Ce n’est pas la bonne question ! La bonne question c’est : pour qui ? Ensuite nous parlerons du pourquoi… Si les services de santé au travail interentreprises sont devenus, depuis la loi du 2 août 2021, les « services de prévention et de santé au travail », c’est pour les entreprises ! Notamment les TPE et PME qui constituent 70 à 80 % de leurs adhérents. Les entreprises leur versent directement leur cotisation d’adhésion annuelle.

J’ai envie de dire : une cotisation de plus parmi toutes les cotisations et prélèvements obligatoires. Mais cette cotisation de « Prévention et de santé au travail » - et non plus de « Médecine du travail » - est particulière à deux titres : sa gestion et son utilité. Elle est gérée localement par le Conseil d’administration paritaire du service de prévention et de santé au travail dont elles relèvent. Nous sommes donc « en circuit court ». C’est important. Elle permet aux entreprises de bénéficier d’une « offre socle de services », qui leur soit utile pour la prévention des risques professionnels d’une part et l’amélioration de la santé au travail des salariés d’autre part. Nous devons donc aux entreprises adhérentes une efficience irréprochable. Un SPSTI[2] doit apporter un accompagnement concret à chaque entreprise, en fonction de ses risques et de ses attentes.  C’est mon objectif en tant que président de PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord. Il est partagé par l’ensemble des présidents de SPSTI.

E&S Vous ne parlez pas de cotisation de médecine du travail. Pourquoi ?

Jean-Michel Dupuis :  Non ! Appelons un chat… un chat ! Aujourd’hui, nous parlons entre partenaires sociaux de « prévention et de santé au travail », en respectant d’ailleurs les termes du législateur. Donc, parlons de cotisation de prévention et de santé au travail ! La médecine du travail a vécu. Et je dis cela avec beaucoup de respect, d’estime et de bienveillance pour ces médecins qui ont su créer et développer la médecine du travail. Le monde du travail a évolué, évolue aujourd’hui et évoluera demain. J’en sais quelque chose en tant qu’industriel ! La « médecine du travail » est donc devenue, au fil des ans, « Prévention et santé au travail ». Chaque employeur, chaque salarié doit aussi le comprendre, voire l’apprendre… Et en bénéficier !

E&S C’est à dire…

Jean-Michel Dupuis :  Avec la « Prévention et la santé au travail », nous parlons de la maîtrise des risques à la source et du suivi individuel de santé au travail, adapté selon les risques auxquels est exposé le salarié. Depuis la loi du 2 août 2021, prise « pour renforcer la prévention en santé au travail », chaque entreprise dans chaque zone d’emploi doit bénéficier d’une « offre socle » de services analogue et comparable, tant dans son contenu que dans sa qualité. Cette offre socle[3], délivrée par le SPSTI auquel elle adhère, comprend trois volets complémentaires : aider à l’évaluation des risques dans le cadre, notamment, de l’élaboration du DUERP[4], réaliser le suivi individuel de santé au travail, aider au maintien dans l’emploi en cas de difficulté de santé d’un salarié.

E&S Et donc, qu’est-ce que cela change pour les entreprises ?

Jean-Michel Dupuis : Dans chaque zone d’emploi, en retour de son adhésion à un SPSTI, chaque entreprise doit bénéficier de conseils experts et adaptés sur la prévention de ses risques professionnels, grâce aux techniciens et ingénieurs en hygiène, sécurité et environnement, aux toxicologues industriels, aux ergonomes, aux psychologues du travail, aux assistants de santé au travail.… Dans chaque zone d’emploi, en retour de l’adhésion de son entreprise, chaque salarié doit bénéficier d’un suivi individuel de santé au travail grâce aux secrétaires médicales, infirmières et médecins de santé au travail.

E&S Vous parlez souvent des zones d’emploi…

Jean-Michel Dupuis : Oui. D’une zone d’emploi à une autre, il ne peut plus y avoir de différences entre les SPSTI selon leurs implantations et leurs tailles respectives, dans l’offre de service apportée aux entreprises. Concrètement deux établissements d’un grand groupe doivent avoir une offre analogue, même s’ils adhèrent à deux SPSTI différents. C’est le sens de la loi du 2 août 2021. C’est le sens de l’histoire aussi ! Il n’y pas le « bon » et le « mauvais » SPSTI. Il n’y pas le « grand SPSTI » qui fait tout très bien et le « petit SPSTI » qui ferait moins bien. Il ne peut y avoir de compétition entre SPSTI. L’excellence doit être la même sur l’ensemble du territoire. Ceci implique donc des dialogues, basés sur la reconnaissance et le respect mutuel, entre chaque SPSTI d’une région. Pourquoi ? Pour développer un service de qualité auprès de chacune des entreprises de la région. Il en va de l’avenir de notre dispositif non marchand de santé au travail, auquel je suis très attaché.

E&S Vous pouvez préciser…

Jean-Michel Dupuis : Chaque entreprise est en survie économique permanente ; notamment, les TPE et PME. Chaque entreprise doit bénéficier, de la part de son SPSTI, de prestations de qualité, correspondant à ses besoins. Quels que soient son activité et son lieu d’implantation.  Il nous faut donc rester au plus proche de nos adhérents : la proximité permet de nous adapter en permanence au tissu économique du bassin d’emploi. Certes, il nous faut raisonner « régional » comme, par exemple, au plan de la coordination. Les actions collectives sont aussi essentielles, comme, par exemple, dans le cadre du PRST4[4], au sein duquel les SPSTI apportent une contribution majeure.  Mais, toutefois, sans hiérarchie, dans une véritable intelligence collective, au sein de laquelle aucun SPSTI n’est supérieur à un autre, mais au sein de laquelle chacun a un rôle à jouer. Les « petits SPSTI » sont porteurs d’autant de compétences et d’innovations que les « grands SPSTI ».

E&S. Question un peu directe… C’est facile de présider un service de prévention et de santé au travail ?

Jean-Michel Dupuis : Oui et non. Mais, c’est surtout passionnant ! Nous sommes dans un secteur d’activité non marchand à forte utilité sociale. Nous avons du personnel de haute qualité, dans les domaines médicaux, paramédicaux, techniques et scientifiques, juridiques et sociaux, administratifs et de gestion. Aujourd’hui, travailler dans un service de prévention et de santé au travail interentreprises, c’est travailler en équipe sur des missions complexes, aux dimensions techniques, médicales, juridiques et sociales. En pratiquant le dialogue social au sein de chaque entreprise. Ce ne sont pas des métiers faciles ; ils sont même parfois incompris dans certaines prises de décisions. Je dirais même que ce sont des métiers insuffisamment connus et reconnus. Nous avons des difficultés particulières, notamment en matière de démographie médicale. Cette contrainte demande des efforts louables à nos équipes et beaucoup de souplesse et de compréhension de la part de nos adhérents. Chacun sait que cette contrainte est générale au sein du système de santé et elle nous échappe totalement… Mais nos SPSTI y travaillent en cherchant à pallier ce qui peut l’être.

E&S : Une conclusion ?

Jean-Michel Dupuis : J’entends les critiques. Nous devons évoluer ? Évoluons ! Mais laissons-nous le temps d’appliquer la dernière loi du 2 août 2021, prise pour renforcer la prévention en santé au travail. Respectons le temps du dialogue social. Restons au plus proche des entreprises : les employeurs et leurs salariés. Ensemble, nous construirons une nouvelle vision commune !

Bio Express

Jean-Michel Dupuis

Titulaire d’un DUT gestion des entreprises et des administrations-option RH (Université de Valenciennes et du Hainaut Cambrésis), Jean-Michel Dupuis ne s’arrête pas là. Il obtient dans la foulée une maîtrise de sciences de la gestion option ressources humaines (IAE de Lille). Simple et direct, l’homme associe le dialogue et la détermination, avec son légendaire franc parler.  Sa vie professionnelle lui a permis d’acquérir de conséquentes expériences au sein de grands groupes industriels :

  • 1980 - 1993 : Jeumont Schneider :  services généraux, contentieux, RH
  • 1993 - 2001 : Framatome :  cadre RH, La Défense-Paris et Jeumont
  • 2001 - 2007 :  Groupe Renault Maubeuge : responsable conditions emplois et rémunérations
  • 2007 – 2020 : AGC Glass France : gestion des RH pour la France (12 entités et 1100 salariés avec une équipe centrale et des correspondants locaux).  Missions principales : négociation des accords d'entreprise et d'établissement, suivi du Recrutement, formation et gestion du Personnel, fonctionnement des instances CG - CCE – CE. En concertation avec la Direction Europe.
  • Depuis juillet 2020 : AGC Glass France : manager de transition - Reprise de la Direction de l'usine de Boussois.
     

Depuis 1996 et bénévolement, Jean-Michel Dupuis s’est toujours engagé au sein de nombreux mandats patronaux : CPAM, CAF, UGECAM, commission sociale de la Fédération du verre plat (FCSIV), conseils des prud’hommes.

Depuis 2019, et toujours bénévolement, il a accepté des mandats patronaux en santé au travail (Pôle Santé Travail Métropole Nord, Réseau Présanse).

1-Association qui fédère 13 Services de prévention et de santé au travail interentreprises.
2-Service de prévention et de santé au travail interentreprises.

3-Décret n°2022-653 du 25 avril 2022.
4-Document unique d’évaluation des risques professionnels.
5-Plan régional de santé au Travail.

Crédit photo: JM Broux

(Publié dans le N°62 : Les Rencontres Santé-Travail 2023) le 18/04/2023