Ivan Talpaert, délégué régional Hauts-de-France, Agefiph Luc Baijot, président de Présanse Hauts-de-France

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« Chacun d’entre nous, que l’on soit travailleur indépendant ou salarié, peut connaître un ennui de santé, mettant en danger sa vie professionnelle, sociale et familiale »

« Chaque jour, grâce à l’accompagnement de leur service de prévention et de santé au travail inter-entreprises, de nombreux salariés peuvent garder leur emploi, malgré une difficulté majeure de santé ».

Difficulté de santé et emploi: adaptées à chacun, des solutions existent !

Chacun d’entre nous, que l’on soit travailleur indépendant ou salarié, peut connaître un ennui de santé, mettant en danger sa vie professionnelle, sociale et familiale. Cet « ennui de santé » peut être un accident ou une maladie. Nous commençons alors « un parcours du combattant », pour reconstruire un avenir professionnel, connaître nos droits, trouver des aides. La délégation régionale Hauts-de-France de l’Agefiph, d’une part, et l’association Présanse Hauts-de-France, d’autre part, ont signé une convention de partenariat, le 13 mars 2024 à Amiens (voir rubrique Aux alentours). Ivan Talpaert, délégué régional Hauts-de-France Agefiph, et Luc Baijot, président de Présanse Hauts-de-France, ont accepté de répondre aux questions d’Entreprise & Santé.

E&S On parle de maintien en emploi. De quoi s’agit-il ?

Ivan Talpaert : Pour l’Agefiph, 2 leviers d’actions sont à considérer, notre mission nous invite effectivement à nous intéresser tant à l’accès à l’emploi qu’au maintien dans et en emploi. Le maintien en emploi est un enjeu crucial sur le plan individuel et majeur sur le plan collectif. Cet enjeu est de plus en plus important, du fait, notamment, du vieillissement de la population et de l’allongement de la durée de vie professionnelle. Concrètement, on travaille plus longtemps, dans des conditions qui peuvent être plus difficiles compte-tenu de l’avancée en âge, de sorte que le maintien au sens strict, pour les travailleurs en emploi, en lien avec les services de prévention et de santé au travail et l’Assurance maladie est un enjeu majeur. Depuis la loi de 1987, il y a, en France, une obligation d’emploi des travailleurs handicapés, dès lors que l’entreprise compte 20 salariés et plus. Une entreprise qui n’applique pas cette disposition cotise à l’Agefiph. Notre mission générale est donc de rapprocher les personnes handicapées et les entreprises. Le handicap ne doit pas être une entrave à l’emploi. Il y a donc bien deux populations différentes : les demandeurs d’emploi handicapés qui cherchent à accéder à un travail et les travailleurs qui cherchent à garder leur emploi, malgré la survenue d’un handicap. Pour ces derniers, 80 % d’entre eux sont concernés par une inaptitude restreinte ou totale à leur emploi.

Luc Baijot : Effectivement ! Nous vivons cela au quotidien dans les services de prévention et de santé au travail interentreprises de la région. Les médecins, les infirmières et infirmiers de santé au travail, les ergonomes, les assistantes sociales et assistants sociaux de santé au travail reçoivent et accompagnent chaque jour de nombreux salariés qui viennent avec une question : quelle est la compatibilité de mon état de santé avec mon poste de travail ? Nos équipes conseillent, orientent et accompagnent le salarié et l’employeur. C’est une ingénierie sociale de haut niveau, tout en assurant le dialogue entre le salarié et son employeur. Tout en respectant les décisions du salarié. Tout en ouvrant des dialogues avec de nombreux partenaires : Département, assurance-maladie, Cap emploi et Agefiph. Cela requiert beaucoup d’expertises et d’expériences, de temps et d’empathie. L’humanité est l’une des valeurs fondamentales de nos métiers. Être humain devant la complexité des dispositifs est dans notre ADN.

E&S Quel est le statut de l’Agefiph et quelles sont ses missions ?

Ivan Talpert : L’Agefiph, Association nationale de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, a été créée en 1987 sur la base du paritarisme. L’Agefiph est une association de type loi de 1901, c’est-à-dire sans but lucratif. Les partenaires sociaux gèrent donc ce fonds national, confié à l’Agefiph, qui comprend également des représentants des personnes handicapées. Comment ce fonds national est-il utilisé au niveau régional ? En concevant, pilotant et finançant, d’une part, des acteurs spécialisés. Par exemple : Cap Emploi, Comète France, etc. En mettant en œuvre, d’autre part, des prestations : études ergonomiques, études fonctionnelles, etc. Les personnes en situation de handicap et les entreprises bénéficient ainsi de prestations d’appui en fonction des handicaps accompagnés et à disposition des acteurs de droit commun. Ceci concourt à l’inclusion, qui est elle-même un droit commun ! Il s’agit bien d’accompagner au cas par cas. Sur l’année 2023, Cap Emploi a ainsi accompagné 3 000 maintiens en emploi en Hauts-de-France. Comète France a réalisé 1 000 prises en charge, dans les Hauts-de-France, dont 90 % concernent le maintien en emploi. Ceci correspond à 12 % du national. 900 personnes ont bénéficié d’un emploi accompagné, 120 d’une étude ergonomique, 3 300 d’une prestation d’appui spécifique, 2 000 d’un aménagement de poste, 1 000 d’une prothèse auditive, 50 d’une formation… Au total, en 2023, cela représente 45 millions d’euros pour les Hauts-de-France : 25 millions pour les services et prestations et 20 millions pour les aides financières. Au-delà de ces chiffres, ce sont autant de personnes en situation de handicaps et d’entreprises qui sont accompagnées.

E&S Quel est le statut de Présanse Hauts-de-France et quelles sont ses missions ?

Luc Baijot : Présanse Hauts-de-France, comme Prévention-santé au travail-service aux entreprises, est aussi une association sans but lucratif. Elle regroupe les services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI) des Hauts-de-France, qui le souhaitent. Sur 12 SPSTI qui existent dans la région, 10 adhèrent à Présanse Hauts-de-France[1]. Ceci correspond au suivi de 97 % des 1 000 000 de salariés, qui travaillent dans 100 000 entreprises des Hauts-de-France, en majorité des PME et TPE. En respectant l’indépendance et la gouvernance paritaire de chaque SPSTI, Présanse Hauts-de-France leur permet d’engager des réflexions et des démarches communes. Présanse Hauts-de-France est membre du réseau national Présanse qui regroupe 200 SPSTI. Les équipes d’un SPSTI apportent trois types de prestations à chaque entreprise adhérente : aide à l’évaluation et à la maîtrise des risques dont l’élaboration du DUERP[2], suivi individuel de santé au travail, prévention de la désinsertion professionnelle. Chaque service de prévention et de santé au travail interentreprises intervient sous agrément délivré par la DREETS, Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités.

E&S Pourquoi cette convention ?

Ivan Talpaert : Il nous faut optimiser nos services respectifs. Devant une problématique de maintien en emploi, la connaissance et la reconnaissance de chacun apportera un service de grande qualité, auprès des salariés en situation de handicap et de leurs entreprises. Nous gardons nos compétences respectives. Et nous nous connaissons mieux ! Cela peut paraître simple… Et pourtant, c’est très important ! C’est d’une utilité sociale majeure. Le discours des employeurs doit être humaniste. Et, sur le terrain, il y a de belles aventures humaines, qui restent méconnues. Quand cela se passe bien : on oublie ! Plus on en parle, plus cela rentre dans les mœurs. 60 % des entreprises qui doivent embaucher des handicapés, le font ! Mais, cela reste complexe pour atteindre le taux légal de 6% de l’effectif. Pour l’Agefiph, renforcer le partenariat avec les services de prévention et de santé au travail optimise l’efficacité et la qualité des aides financières et des accompagnements apportés aux travailleurs handicapés et à leurs entreprises. C’est le sens de cette convention, qui favorise notamment une meilleure connaissance réciproque.

Luc Baijot : Tout à fait ! Chaque jour, grâce à l’accompagnement de leur service de prévention et de santé au travail interentreprises, de nombreux salariés peuvent garder leur emploi, malgré une difficulté majeure de santé.  Cela nécessite une coopération étroite avec de nombreux acteurs spécialisés, dont l’Agefiph. Nous sommes en dialogue permanent avec le Département, l’Assurance Maladie, etc. Tout en assurant un dialogue local essentiel : le ou la salarié(e) avec son employeur. C’est là que tout se joue ! C’est à partir de ce dialogue local, que nous pouvons tisser des liens institutionnels, au bénéfice du salarié(e) et de son entreprise.




Bio Express

Ivan Talpaert

Psychologue, de formation universitaire, Ivan Talpaert a réalisé un double cursus en psychologie normale et pathologique des acquisitions et du développement, et en psychologie des organisations. Délégué régional Hauts-de-France depuis juin 2020, Ivan Talpaert a intégré l’Agefiph en 2003, intervenant à l’époque au sein de la délégation régionale Nord Pas-de-Calais, puis au siège de l’Agefiph en responsabilité de l’animation du réseau (département coordination et pilotage) avant d’occuper le poste de directeur de la sécurisation des parcours. Ses 10 premières années professionnelles se sont déroulées dans le domaine de la « formation – insertion » par le développement d’actions et de dispositifs en direction des publics fragilisés et notamment des personnes en situation de handicap psychique.

Luc Baijot

Elu en 2022 président de l’association Présanse Hauts-de-France, Luc Baijot est à la fois créateur et développeur d’entreprises. Ingénieur des Arts et Métiers, Luc Baijot démarre sa vie professionnelle aux Etats-Unis, dans le secteur de la Très Haute Pression. De retour en France, il créé en 1996 AutoclaveMaxitech, devenu Maximator (fabrication d’équipements et générateurs de très haute pression). En 2007, il rachète et développe les établissements Lefrant-Rubco (additifs bio-sourcés pour le caoutchouc). Puis, en 2012, les établissements Salvi et Essinox Industrie (produits de métallurgie et robinetterie industrielle haut de gamme). Président du Medef Oise depuis 2017, il s’est particulièrement investi pour le développement de la formation en alternance des jeunes. Dès la création de PRESOA[3] en septembre 2021, il en devient le président. Depuis décembre 2021, il est également président de l’Opérateur national de vente, filiale du groupe Action Logement. Depuis février 2024, il est membre du Conseil économique, social et environnemental des Hauts-de-France.




[1] ASMIS, ACTION SANTE TRAVAIL, ASTIL 62, CEDEST, GAS-BTP, MEDISIS, PÔLE SANTE TRAVAIL Métropole Nord, PRESOA, PREVENO, SMIN.
[2] Document unique d’évaluation des risques professionnels.

[3] PRESOA : prévention et santé au travail de la vallée de l’Oise et de l’Aisne. PRESOA résulte de la fusion de MTA, SISAT et SMTVO.

(Publié dans le N°66 : Rencontres Santé Travail 2024) le 04/04/2024