Reclassement : quoi de neuf, docteur ?

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Sophie Fantoni-Quinton, Praticien Hospitalier au CHRU de Lille, Docteur en Droit

A Lille Grand Palais, s’est tenu, les 4 et 5 juin derniers, un symposium Fanco-Québécois de Droit et Santé au Travail. Son thème : le reclassement face à une inaptitude. Plus de 350 participants, venus de toute la France, ont fait le point de la question. A la lumière des dernières jurisprudences. Interview de Sophie Fantoni-Quinton, Praticien Hospitalier au CHRU de Lille, Docteur en Droit à l’Université de Lille II.

Entreprise & Santé : Quelle est la définition du reclassement ?

Dr S.Fantoni-Quinton : « Il s’agit d’une obligation légale à la charge de l’employeur de tout mettre en oeuvre pour trouver un autre poste de travail pour un salarié dont le médecin du travail a constaté l’inaptitude, que celle-ci soit d’origine professionnelle ou non ».

E & S : Quels en sont les enjeux ?

Dr S. FQ : « Pour l’employeur, il s’agit d’abord de conserver un salarié expérimenté pouvant être utile à l’entreprise plutôt que de licencier tout salarié inapte. Le législateur y veille, la jurisprudence aussi. Ainsi, si l’employeur ne peut démontrer qu’il a réellement tenté de reclasser son salarié inapte, le licenciement qui suivra sera considéré comme sans cause réelle et sérieuse. Avec des conséquences financières et procédurières lourdes. Pour le salarié, il s’agit, même quand son état de santé est altéré, de pouvoir conserver un emploi adapté. Pour le médecin du travail, qui a un rôle pivot dans cette situation, il s’agit d’être une force de proposition pour guider l’employeur dans sa démarche parfois difficile, notamment dans les TPE, grâce aussi aux structures d’aides au reclassement ».

E & S : Quelles en sont les bases réglementaires, en France ?

Dr S. FQ : « Ces obligations sont fondées sur l’article L1226-2 en cas d’inaptitude consécutive à un accident ou une maladie non professionnelle et sur l’article L 1226-10 et 12 en cas d’inaptitude d’origine professionnelle. Elles débutent à l’issue de la 2ème visite nécessaire à la constatation de l’inaptitude médicale(conformément à l’article R. 4624-31 du Code du travail) et doit s’appuyer sur les préconisations du médecin du travail. Cette obligation pèse sur l’employeur, même en situation d’invalidité ou d’inaptitude à tout emploi dans l’entreprise ».

E & S : Quelles sont les tendances en matière de jurisprudence ?

Dr S. FQ : « De part l’obligation de sécurité de résultat et l’interdiction de discrimination pour des raisons de santé, les juges condamnent systématiquement les employeurs n’ayant pas apporté les preuves concrètes et vérifiables des efforts fournis en matière de reclassement ».

E & S : Quel conseil principal donneriez vous à un employeur et son salarié ?

Dr S. FQ : « Une « recette » : Anticiper les inaptitudes par un accompagnement des salariés en arrêt maladie. S’appuyer sur les recommandations du médecin du travail, au besoin en le sollicitant (l’absence de propositions de reclassement est un motif de contestation de l’avis du médecin du travail). S’informer auprès des Services de Santé au Travail et de l’équipe de santé à la fois sur ses obligations mais aussi sur l’aide qu’il peut obtenir dans ce reclassement (financière, logistique…). Impliquer davantage les partenaires sociaux dans sa recherche de reclassement. Garder la « trace » écrite de toutes ses démarches afin de pouvoir en apporter la preuve, si besoin ».

(Publié dans le N°7 : La santé, d'une entreprise à une autre !) le 15/07/2009

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