A votre bonne santé !

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Dr Damien Duquesne, médecin du travail PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord, alcoologue

En cette période estivale, on se laisse plus facilement séduire par un petit verre à la maison, lors d’un weekend en famille, avec des amis… Les occasions sont nombreuses. Plus étonnant, elles le sont aussi en milieu professionnel : à la cantine, au bistrot du coin le midi entre collègues, lors du traditionnel « pot » du vendredi… Qu’il s’agisse d’alcoolisation au travail ou des conséquences de la prise d’alcool sur l’activité d’une entreprise, nous évoquons la question sans tabou avec le Dr Damien Duquesne, médecin du travail au PÔLE SANTÉ TRAVAIL – Lille (ex AMEST), et alcoologue.

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Entreprise & Santé : En quoi consiste la prévention du risque alcool en entreprise ?

Dr Damien Duquesne : « Lorsque l’on parle de prévention sur ce thème, il faut distinguer 2 niveaux : la prévention individuelle et la prévention collective. La première se fait au cabinet médical lors de la visite. Des outils simples existent pour mettre en place une politique de prévention efficace à titre individuel : la consommation déclarée d’alcool, l’alcootest, les plaquettes d’informations, les examens biologiques. En ce qui concerne la prévention collective, il s’agit de ne pas sortir la prévention du risque alcool de l’évaluation des risques liés à l’activité professionnelle. Voilà pourquoi, avant de prévenir, l’entreprise doit évaluer. Nous sommes là pour l’y aider ».

E & S : Quelles sont les conséquences de la prise d’alcool sur l’activité d’une entreprise ?

Dr D.D : « Je pense qu’il y a lieu de considérer du point de vue des habitudes de consommation au sein de l’entreprise (pots, repas d’affaires, restauration etc…), le manque d’informations voire parfois l’incitation, qui augmentent les risques (accidents,malaises…). Risques souvent sous estimés par l’encadrement. Du point de vue des comportements de salariés, l’alcoolisation excessive augmente les risques d’exclusion de l’entreprise. Non seulement parce qu’elle entraîne des dysfonctionnements observés pendant le travail, mais également parce qu’elle provoque des atteintes physiques et psychologiques qui peuvent restreindre les aptitudes… Se poser les questions de l’incidence de l’ambiance de travail et de l’attention aux personnes ouvre positivement la porte des évolutions préventives ».

E & S : Que dit le code du travail sur la question alcool et travail ?

Dr D.D : C’est là toute l’ambiguïté de la question. Le code du travail autorise les boissons fermentées sans limites, du moment que l’état d’ivresse n’est pas atteint. Une définition pour le moins assez floue ! Elle ne dit rien de la conduite à tenir pour le chef d’entreprise. Que faire lorsqu’un salarié est en état d’ivresse ? Comment interpréter le code du travail ? Zéro alcool ou autorisation exceptionnelle ? Une seule chose est sûre : ne pas attendre l’accident dû à l’alcool pour réagir ».

E & S : Vous parlez de l’importance de la prévention… si on parlait plutôt de son efficacité ?

Dr D.D : « Le chef d’entreprise a t-il la volonté d’évaluer ses risques ? A t-il la motivation suffisante pour mettre en place une politique de prévention adaptée ? Si oui, alors la Santé au Travail peut l’aider dans sa démarche. L’efficacité et la réussite d’une politique de prévention ne sont pas une question de moyens, mais une question d’objectifs. Réussir une prévention individuelle et collective, c’est aussi utiliser son Service de Santé au Travail ».

E & S : Y a t-il des pièges à éviter ?

Dr D.D : « Face à l’alcool, j’ai pu constater que les entreprises choisissent entre l’interdiction totale d’alcool ou la mise à l’écart des personnes à risques sur les postes sensibles. La première option ne fonctionne pas. La seconde n’entraîne aucune modification des comportements. Dans les deux cas, il n’y a pas de prise en compte des dysfonctionnements autour du risque alcool ».

E & S : Terminons sur une note plus personnelle. Vous vous battez pour développer la prévention alcool en entreprise. Quelle a été votre plus grande réussite ?

Dr D.D :« Lorsque j’aide un salarié à baisser sa consommation d’alcool ou que je réfléchis avec un chef d’entreprise à la politique de prévention de sa société. Ma réussite est quotidienne ».

L’efficacité et la réussite d’une politique de prévention ne sont pas une question de moyens, mais une question d’objectifs”

Bon à savoir:

A partir de quels seuils de consommation parle-t-on de risques ?
La sensibilité à l’alcool est variable d’une personne à une autre. A titre indicatif, voici les seuils de consommation à risques selon l’Organisation Mondiale de la Santé :
- pour les femmes : pas + de 2 verres par jour
- pour les hommes : pas + de 3 verres par jour
- pour tous : pas + de 4 verres en une occasion
L’OMS conseille également de rester au moins 24 heures sans alcool chaque semaine.

(Publié dans le N°7 : La santé, d'une entreprise à une autre !) le 15/07/2009

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