Sylvie Cheynel, Présidente de Cheops Hauts-de-France
« Ne pas hésiter à solliciter les CAP emploi pour leur expertise »
« Plus l’intervention est précoce, mieux c’est, car cela permet d’éviter la désinsertion professionnelle. »
Présidente de Cheops Hauts-de-France, Sylvie Cheynel revient sur le rôle des CAP emploi, leur collaboration avec les services de prévention et de santé au travail et les perspectives de développement pour mieux accompagner les personnes en situation de handicap.
E&S Pouvez-vous présenter ce qu’est Cheops et rappeler la mission des CAP emploi ?
Sylvie Cheynel : Cheops Hauts-de-France est la tête de réseau des CAP emploi de la région, un peu comme Présanse l’est pour les services de prévention et de santé au travail. Notre rôle est de coordonner et soutenir les CAP emploi afin qu’ils puissent mener à bien leurs missions d’accompagnement des personnes en situation de handicap sur l’ensemble du territoire.
Habituellement, on compte un CAP emploi par département : pour les départements du Nord et du Pas-de-Calais, nous comptons quatre CAP emploi. L’Oise, l’Aisne et la Somme ont chacun le leur. La région Hauts-de-France com-pte donc 7 CAP emploi, ce qui s’explique par la taille du territoire et sa densité démographique.
Les CAP emploi ont des missions de Service Public de l’Emploi et agissent en complémentarité des acteurs de droit commun. Nous avons deux types de clients - la personne en situation de handicap et l’employeur – et trois missions principales : accompagner vers l’emploi, dans et en emploi, tout en soutenant l’employeur dans sa démarche. “Vers l’emploi”, cela signifie que nous accompagnons des demandeurs d’emploi dans leur parcours d’accès à l’emploi, en lien étroit avec France Travail. Depuis la loi récente, le parcours est simplifié grâce à un lieu unique d’accompagnement : la personne est reçue par un conseiller France Travail ou CAP emploi et est orientée immédiatement vers le bon interlocuteur selon sa problé-matique. L’idée est de lui garantir un suivi personnalisé et adapté dès le départ en fonction de son besoin de rétablissement et/ou de compensation, ce qui constitue l’expertise des CAP emploi. Ensuite, l’accompagnement “dans l’emploi” est relatif au maintien dans l’emploi lorsque le salarié subit un accident de la vie ou développe un handicap : dans ce cas, nous intervenons pour trouver des solutions d’aménagement du poste ou d’adaptation de l’environnement de travail, accompagner l’emplo-yeur et le salarié, ou envisager une reconversion. Nous travaillons systématiquement en lien avec les services de prévention et de santé au travail ; l’initiative du contact peut venir du salarié ou de l’employeur. Enfin, troisième volet de notre mission - “en emploi” - c’est lorsque nous veillons à ce que la personne conserve un emploi, que ce soit dans son entreprise ou dans une autre structure, afin d’assurer sa continuité professionnelle. Pour moi, le premier client reste la personne en situation de handicap, et le second l’employeur, car sans employeur, il n’y a pas d’emploi possible.
E&S À quel public s’adressent les CAP emploi et à quel moment interviennent-ils dans le parcours professionnel des salariés ?
Sylvie Cheynel : Nous intervenons principalement sur alerte. Ce sont les services de prévention et de santé au travail qui nous signalent le plus souvent une situation problématique, mais l’employeur ou le salarié peuvent également nous contacter directement. La CARSAT peut aussi alerter sur des arrêts maladie répétitifs ou de longue durée. Cela dit, nous n’intervenons pas uniquement sur sollicitation puisque nous travaillons aussi sur le plan de la prévention : il s’agit d’anticiper les difficultés avant qu’elles ne deviennent problématiques, par exemple en proposant des aménagements ou des adaptations précoces. Plus l’intervention est précoce, mieux c’est, car cela permet d’éviter la désinsertion professionnelle et de sécuriser à la fois l’employeur et le salarié.
E&S Comment s’organise concrètement la collaboration entre un CAP emploi et le service de prévention et de santé au travail ?
Sylvie Cheynel : Les échanges se font autour de situations individuelles. Nous intervenons directement auprès du salarié ou dans l’entreprise pour évaluer les besoins et proposer des solutions adaptées. Nous traitons tout type de handicaps : physiques, visuels, auditifs, maladies invalidantes ou encore troubles psychiques. Les aménagements peuvent être financés via l’AGEFIPH (Association nationale de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées) ou le FIPHFP (fond pour l’insertion des personnes handicapées de la fonction publique), que ce soit pour le maintien dans l’emploi, une reconversion ou un ajustement de poste.
En juin 2025, nous avons également signé une convention régionale avec Présanse : celle-ci vise à mieux connaître nos missions respectives, à renforcer la complémentarité, à innover, à mieux communiquer vers les employeurs et les salariés et à répondre de manière optimale aux besoins de chacun. Avant cela, seules des conventions locales existaient, donc cette signature représente un vrai pas en avant.
E&S Observez-vous une évolution des profils des salariés accompagnés et des problématiques rencontrées, qu’elles soient liées à l’âge ou à la santé mentale ?
Sylvie Cheynel : Oui, notamment en lien avec le recul de l’âge de départ à la retraite et par conséquent l’allongement de la vie professionnelle. On constate qu’un accompagnement soutenu est nécessaire pour ces personnes afin qu’elles puissent exercer et préserver leur emploi dans de bonnes conditions. Il y a aussi un autre vrai sujet, c’est celui de la santé mentale, mais j’insiste, il est important de distinguer les troubles psychiatriques sérieux du mal-être professionnel. Beaucoup de situations aujourd’hui sont mieux identifiées et mieux accompagnées.
E&S Pouvez-vous donner des exemples d’actions innovantes ou particulièrement réussies avec les services de prévention et de santé au travail ?
Sylvie Cheynel : Les collaborations locales sont anciennes et produisent de nombreuses actions concrètes entre les CAP emploi et les services de prévention et de santé au travail. Nous pouvons citer par exemple des temps d’immersion de médecins du travail en processus de formation au sein des équipes CAP emploi ou encore des temps d’échanges pédagogiques et de pratiques autour de solutions techniques de compensation via la mobilisation de fournisseurs partenaires des CAP emploi. Nous avons au niveau régional déjà constaté un succès notable sur la communication et la sensibilisation autour de notre convention récemment signée. Sur la région Hauts-de-France, de nombreuses manifestations sont organisées, notamment à l’occasion de la Semaine du handicap, pour sensibiliser les employeurs et les salariés. Ces actions sont importantes pour faire connaître notre expertise et valoriser nos missions.
E&S Quels sont les grands axes de développement ou les transformations envisagés pour les CAP emploi dans les prochaines années ?
Sylvie Cheynel : Nous voulons renforcer notre rôle dans la prévention de la désinsertion professionnelle et être sollicités dès que notre expertise mérite d’être mobilisée au profit d’une situation à risque. Il est aussi essentiel d’améliorer la communication sur nos missions, car le nom “CAP emploi” reste méconnu, même chez certains employeurs. Je souhaiterais également créer un mode d’emploi précis de coordination entre les CAP emploi, les services de prévention et de santé au travail et la CARSAT, avec un organigramme clair et une connaissance détaillée de tous les dispositifs de financement et d’accompagnement disponibles (AGEFIPH, FIPHFP, CARSAT), afin que chaque conseiller sache qui contacter, dans chaque situation, pour agir rapidement et efficacement, au service de chaque employé.
E&S Quel message souhaitez-vous adresser aux services de prévention et de santé au travail, aux entreprises et aux employeurs de la région ?
Sylvie Cheynel : N’hésitez pas à solliciter les CAP emploi pour leur expertise dans toutes les situations de handicap, quels que soient le type ou la gravité. Nos interventions sont surtout individuelles, tandis que les actions collectives au profit des entreprises, comme la sensibilisation ou la formation des référents handicap, sont menées par l’AGEFIPH. L’objectif est de prendre en charge le mieux possible à la fois le salarié et l’employeur, dans une logique d’accompagnement et de prévention.
Les chiffres-clés des CAP emploi en Hauts-de-France
D’après le rapport d’activités 2024 de Cheops Hauts-de-France, les Cap emploi de la région ont démontré une mobilisation renforcée pour l’insertion et le maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap (7 447 personnes en 2024).
• Maintien dans l’emploi (même poste ou autre poste chez le même employeur) : 3 601 maintiens réussis, avec un taux de réussite de 98 %.
• Maintien en emploi (employabilité hors employeur d’origine) : 1 013 maintiens réalisés.
• Accompagnement vers l’emploi : 22 387 retours à l’emploi.
• Formation : 42,4 % des demandeurs d’emploi en situation de handicap ayant suivi une formation ont retrouvé un emploi.
• Satisfaction des usagers : 83 % des demandeurs d’emploi sont satisfaits de la facilité d’obtenir une réponse à leurs démarches auprès de France Travail ou Cap emploi.
Ces résultats témoignent de l’engagement des Cap emploi Hauts-de-France pour favoriser l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap.
(Publié dans le N°71 : Dehaussy poursuit sa démarche avec l’AISMT) le 17/12/2025
